Les portus de la vallée de l’Escaut à l’époque carolingienne. Analyse archéologique et historique des sites de Valenciennes, Tournai, Ename, Gand et Anvers du 9e au 11e siècles. (Florian Mariage)

 

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III. Catalogue archéologique des portus de la vallée de L’Escaut du 9e au 11e siècles

 

3.1 Introduction

 

Le catalogue des portus de la vallée de l’Escaut du 9e au 11e siècles est une opération fastidieuse, nécessitant une heuristique complexe. L’exhaustivité recherchée ici est compliquée par les difficultés d’accès aux fouilles anciennes, quand publication il y a eu. Plus fondamentalement, on le verra, la période étudiée ici est le parent pauvre de l’archéologie urbaine, bien plus encore que pour l’époque mérovingienne, dont une étude récente a déjà montré les limites[322].

 

Le catalogue est organisé par site de découvertes. Pour chaque site de fouille, on tachera de classer méthodiquement les informations récoltées en distinguant:

 

Nom du site et cote (ex: Val 1, Ty 6, Gd 2, Anv 9…)

A. Localisation précise des découvertes et date de fouilles

B. Nature du site aux époques antérieures (romaine et mérovingienne)

C. Nature des découvertes à la période carolingienne et chronologie

D. Bibliographie

 

Pour chaque portus, on fera le point au sujet de l’apport des sources iconographiques (cartes et plans) concernant la topographie urbaine, ainsi que le matériel découvert en dehors du site (produits d’exportation). Enfin, un catalogue détaillera les éventuelles frappes monétaires locales et leur aire de dispersion, essentiellement sur base d’une publication de G. Depeyrot[323].

 

 

3.2 Catalogue des sites

 

3.2.1 Valenciennes

 

La recherche archéologique à Valenciennes se caractérise par son caractère modeste, et relativement récent. Philippe Beaussart[324], en 1987, avait déjà tenté d'en dresser un premier bilan, extrêmement maigre. Durant la décennie suivante, avec le développement de nombreux chantiers urbains, les choses ont quelque peu évolué, mais aucune découverte exceptionnelle n'a cependant été faite concernant la période carolingienne[325]. Par comparaison, la période romaine est de loin beaucoup mieux représentée dans le sous-sol de la ville[326], alors qu’historiquement les textes ne situent le développement de l’agglomération qu’à l’époque carolingienne tardive!

 

La mise en place récente d’un service d’archéologie municipale[327] devrait permettre de combler peu à peu les lacunes de la documentation dont souffre particulièrement Valenciennes, plus que toute autre ville du Nord / Pas-de-Calais.

 

Val 1: Cimetière Saint-Roch

 

A.

Localisation et dates: Cimetière moderne de Saint-Roch, situé au nord de la ville, à la limite des communes de Valenciennes et de Saint-Saulve, au pied de la colline du Rôleur. Fouilles partielles à partir de 1914, organisées de manière plus méthodique en 1947 par le cercle archéologique de Valenciennes.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: (voir ci-dessous)

 

Epoque mérovingienne: La nécropole contenait plus d'une centaine de tombes, organisées en deux groupes bien distincts et dont la chronologie s'étendait du Bas-Empire au 7e siècle. Les unes étaient orientées nord-sud, avec un mobilier presque exclusivement composé de céramiques. Les autres, orientées est-ouest, comprenaient un mobilier plus abondant et davantage diversifié, présentant toute la panoplie de la nécropole mérovingienne "classique": armes, bijoux, vases biconiques. Cette nécropole s'apparente au type même du cimetière mérovingien "suburbain" à utilisation continue, plus que vraisemblablement utilisé par le petit noyau d'habitat localisé sur la rive droite de l'Escaut, autour de l'église primitive Saint-Géry. Son abandon à la fin du 7e siècle ou au début du siècle suivant correspondrait alors au début des inhumations chrétiennes à proximité de l'habitat, autour de sanctuaires sacralisés. En l'absence de fouilles autour et dans Saint-Géry, cette hypothèse demeure cependant à vérifier.

 

C.

Epoque carolingienne: /

 

D.

Beaussart 1983; Beaussart 1987, p. 95-99.

 

Val 2: Eglise Saint-Géry

 

A.

Localisation et dates: fouilles de 1944 dans l'église Saint-Géry (anciennement l’église des Frères Mineurs), Square Watteau.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Quatre sondages ont été réalisés dans les bas-cotés et le chœur de l’église. Outre des caveaux funéraires, quelques sculptures et des vestiges de pavements médiévaux, on mit au jour d’importantes fondations anciennes, qui pourraient remonter au haut Moyen Age. L’hypothèse que ces structures appatiennent au donjon est bien sûr à mentionner ici, dans la mesure où l’on sait que l’église des Frères mineurs reprendra précisément l’emplacement de ce dernier au 13e siècle. L’absence de publication sur le sujet rend malheureusement impossible la rédaction d’une notice archéologique valable.

 

D.

Beaussart1987, p. 103.

Ph. Beaussart mentionne en note deux publications, auxquelles nous n’avons malheureusement pas eu accès:

Fouilles de l’église Saint-Géry. Dossiers du Cercle archéologique de Valenciennes, Inédit, 1944;

Ph. Beaussart, L’archéologie des lieux de culte à Valenciennes. Catalogue d’exposition «Archéologie en Hainaut-Cambrésis-Avesnois, Valenciennes, 1981, p. 41.

 

Val 3: Rive gauche: fondations carolingiennes

 

A.

Localisation et dates: Fouilles de 1983, sur la rive gauche de l’Escaut, à proximité de la Rue de l’Intendance

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire:/

 

Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Le catalogue de Philippe Beaussart mentionne au n°13 la découverte de fondations carolingiennes, sans qu’il n’en soit fait référence, ni dans le corps de l’exposé, ni en notes.

 

D.

Beaussart 1987, annexe 4, p. 140.

 

Val 4 : Rue des Glatignies

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1988, sur une superficie de 1500 m², à la Rue des Glatignies. Le site de fouilles, sur la rive droite, est proche de la Place du Neuf Bourg.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La notice archéologique publiée sur le sujet mentionne la découverte de nombreuses traces de dépressions -interprétées comme étant des fossés-, auxquelles est associé un riche matériel céramique des 11e et 12e siècles. Un pieu de bois est le seul témoignage d’occupation du site (habitat?) à cette époque: aucune trace d’urbanisation antérieure au 15e siècle n’y a été décelée.

 

D.

Chronique des fouilles médiévales, dans Archéologie Médiévale, t. 19 (1989), p. 277.

 

Val 5: Moulin Saint-Géry

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1992, sur l’emplacement des anciens bains-douches de la ville, anciennement occupé par le moulin dit de Saint-Géry, à la confluence de la rivière Sainte-Catherine et de l’Escaut.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: L’intérêt du site fouillé est qu’il se trouve à l’emplacement du canal creusé probablement au 8e ou au 9e siècle et qui marquait -selon les historiens- la limite de l’agglomération carolingienne de Valenciennes. Ce canal n’a cependant livré aucun matériel de cette époque, et ses abords nulle trace d’habitat. Plus tard, au plus tôt au 13e siècle, le site sera réoccupé par un moulin à eau.

D.

Anonyme 1993

 

Val 6: Impasse des Carmes

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1998, à proximité de l’Escaut, à l’emplacement d’un Couvent des Carmes du 13e siècle, et de l’emplacement présupposé du portus carolingien.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Le site se distingue par l’absence de vestiges de l’époque carolingienne, malgré la proximité supposée avec le portus de cette époque, dans le centre économique de l’agglomération. Aucune structure antérieure au 19e siècle n’a pu y être découverte. Pour les périodes plus anciennes, la stratigraphie a livré d’épais remblais de démolitions. On retiendra tout de même sous ces différentes couches une strate de couleur gris foncé à noir, qui correspondrait à la berge ancienne de l’Escaut, et qui a livré plusieurs lots de céramique commune grise et un matériel assez diversifié datant des 13e au 14e siècles. Nulle trace en tous cas d’une occupation carolingienne à cet endroit de l’agglomération.

D.

Anonyme 1999

 

Val 7: Place de l’Hôtel de ville et Place du Marché

 

A.

Localisation et dates: dans le cadre du projet «cœur de ville», fouille menée en 2000 et 2001, à la Place de l’Hôtel de ville et Place du Marché, préventivement à la construction d’un parking souterrain.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Un fossé large d’1,15 à 1,30 m a été repéré Rue Delsaux. Il suit le bas du versant calcaire, parallèlement à l’Escaut. Ce fossé, contenant des tessons gallo-romains en contexte avec de la céramique des 9e et 10e siècles, est en relation directe avec une voie qui le longe. Dans un second temps (11e -12e siècles), un large fossé de plus de 10 m de large est creusé pour, semble-t-il, défendre le Vieux-Bourg. Un mur en gré du Landénien, d’1 m d’épaisseur court le long du fossé; il pourrait s’agir d’un tronçon du rempart primitif.

La fouille de la place de l’Hôtel de ville a révélé les vestiges très arasés d’un fond de cabane, des 10e-11e siècles. Il s’agit des structures les plus anciennes repérées sur le site, la phase suivante d’occupation étant du 13e siècle. A la Place du Marché aux fleurs, sous des caves du 16e siècle, mise au jour de quatres structures excavées du 10e ou 11e siècle, vraisemblablement des fonds de cabanes, orientés nord-sud. Des petites fosses et des silos complétaient l’ensemble.

 

D.

Maliet 2000, p. 78-79; Tixador et Maliet 2001; Tixador 2001; Anonyme 2002; http://www.ville-valenciennes.fr

 

Val 8: Hotel de ville

 

A.

Localisation et dates: Découverte réalisée en 1780 à l’emplacement de l’hôtel de ville, lors de la construction d’une prison à cet endroit.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: Voir ci-dessous

 

C.

Epoque carolingienne: A 2,50 -3m de profondeur, on découvrit en 1780 environ 200 squelettes d’hommes apparemment jeunes (ou plutôt de petite taille?), enterrés dans des cercueils de bois sur des lits de sable. Sous cette couche, de 1,20 à 1,50m plus bas, découverte d’urnes contenant des ossements et du charbon, qui pourraient être des tombes à incinération romaines. Le texte mentionne également la découverte de javelots, vraisemblablement du mobilier mérovingien. En l’absence de matériel dans les deux cents tombes de la couche supérieure, on penche pour une datation qui remonterait au plus tard à la fin de la période mérovingienne.

 

Nous citons ici le passage de l’époque, relaté par J. Loridan:

«1780. – Nouvelles prisons….

On trouva à huit ou dix pieds de profondeur plus de deux cents cadavres enterrés côte à côte, sur des lits de sable et sans cercueil. Un seul de ces cadavres s’est encore trouvé avoir été enseveli dans un drap de soie qui paraissait cramoisi. J’en ai un morceau dans mes curiosités. Ces cadavres paraissent être ceux de jeunes gens et avoir été placés en même temps, ce qui dénote que ce fut à la suite d’une défaite. D’ailleurs, je vis une tête dont le crâne était renfoncé et un autre troué. En fossoyant quatre ou cinq pieds plus bas, on trouva plusieurs urnes remplies de cendres et de charbon, mais on ne put en conserver une entière… Il n’y avait sur les urnes aucune inscription qui puisse nous rappeler l’époque. On ne trouva aucune médaille de ce temps. On trouva aussi différentes espèces de javelots qui se trouvent aujourd’hui dans mes curiosités…»

D.

Beaussart 1987, p. 157, n° 45 bis; Delmaire 1996, p.422; Loridan 1913, p. 400-401

 

Val 9:Trouvailles isolées

 

Une publication de 1993 (Demolon et Verhaeghe 1993) signale la présence à Valenciennes de "céramiques claires peintes", de provenance différente de la production de Baralle. On ne sait malheureusement pas d'où provient ce matériel ni quand il a été découvert.

 

Valenciennes: Produits d’exportation

 

Les fouilles archéologiques menées jusqu’à présent à Valenciennes n’ont pas permis de découvrir les traces d’un artisanat particulier, propre à l’agglomération carolingienne. Il est difficile dans ce contexte de savoir si des produits locaux étaient exportés dans d’autres sites. Historiquement, cette carence pourrait s’expliquer par le caractère domanial de l’agglomération primitive. Valenciennes aurait pu jouer le rôle de centre régional de redistribution de produits périssables -et donc indétectables par l’archéologie-, notamment ceux issus du fiscus d’origine mérovingienne.

 

Valenciennes: Monnaies

 

Une production monétaire carolingienne est attestée sous Pépin le Bref (752-768), puis bien plus tard sous Charles le Chauve (840-877) et Eudes (887-897)

 

Denier de Pépin le Bref, type de 754/5-768 (1 exemplaire)

Droit: R P

Revers: VAL

Référence: Depeyrot 1104

Lieu de découverte: Echternach (G.-D. Luxembourg)

 

Denier de Charles le Chauve, type de 864-875 (10 exemplaires)

Droit: + GRATIA DEI REX monogramme

Revers: + VALENCIANIS croix

Référence: Depeyrot 1105

Lieux de découverte: Clairoix (dép. Oise, ar. Compiègne, Fr.), Ablaincourt-Ans (dép. Somme, ar. Péronne, Fr.)

 

Denier de Charles le Chauve, type de 864-875 (24 exemplaires)

Droit: + GRATIA DEI REX monogramme

Revers: + VALENCIANIS PORT croix

Référence: Depeyrot 1106

Lieux de découverte: Saint-Denis (dép. Seine-Saint-Denis, ar. Bobigny, Fr.), Vire (dép. Calvados, ch.-l. d’ar., Fr.), Ablaincourt-Ans (dép. Somme, ar. Péronne, Fr.), Glisy (dép. Somme, ar. Amiens, Fr.), Monchy-au-Bois (dép. Pas-de-Calais, ar. Arras, Fr.), Montrieux-en-Sologne (dép. Loir-et-Cher, ar. Romorantin-Lanthenay, Fr.)

 

Denier d'Eudes, type de 887-898 (1 exemplaire)

Droit: Type inconnu selon Depeyrot

Revers:

Référence: Depeyrot 1107

Lieux de découverte: Monchy-au-Bois (dép. Pas-de-Calais, ar. Arras, Fr.)

 

Valenciennes: Topographie urbaine

 

Les plans anciens de la ville permettent de reconnaître différents noyaux d’habitat, correspondant aux phases d’évolution démographique de Valenciennes.

 

Tout d’abord, au nord-est, il y a l’ancienne église Saint-Géry (aujourd’hui Square Froissart), autour de laquelle s’est probablement développée l’agglomération mérovingienne primitive. Les historiens (Platelle 1982) en font l’église du portus, vu la proximité des sites du Rivage, du pont Néron et du Marché aux poissons. C’est là qu’il faudrait donc localiser le centre d’activités économiques.

 

Au sud-ouest du portus, délimité par l’Escaut, la petite rivière de la Rhônelle et le canal Saint-François, on trouve le castrum. Ce petit triangle de terre, naturellement protégé par l’eau, comprenait à la fin du 10e siècle un donjon emmoté, une collégiale dédiée à Saint-Jean et une hôtellerie. L’épine dorsale de ce castrum est constituée par l’actuelle Rue de Paris. On ne sait si le site était entouré d’une fortification.

 

Au 11e siècle, Valenciennes connaît un développement économique et démographique sans précédent. Cet essor sera à l’origine de l’urbanisation de l’espace situé entre le portus et le castrum, et dénommé Grand-Bourg. C’est là que se situe le centre économique de la ville du bas Moyen Age, autour de l’actuelle Place d’Armes.

 

Rapidement, un autre quartier est occupé. C’est le Neuf-Bourg, situé à l’est du castrum. Neuf-Bourg et Grand-Bourg seront probablement protégés par un système défensif, mais on n’en sait pas plus.

 

La carte de dispersion des découvertes archéologiques relatives au haut Moyen Age (annexe, carte 2) ne permet pas de confirmer ou d’infirmer cette topographie, car les trop rares trouvailles ont été faites sur les deux rives de l’Escaut, essentiellement en dehors du castrum, mais néanmoins à faible distance de celui-ci, dans un rayon de 500 m autour de la collégiale Saint-Jean. Le secteur potentiellement le plus riche reste à fouiller.

 

3.2.2 Tournai

 

La période comprise entre les 8e et 11e siècles est le parent pauvre de l'archéologie à Tournai. Des synthèses récentes ont vu le jour concernant la période mérovingienne, et M. Lesenne avait publié en 1981 un répertoire de toutes les trouvailles archéologiques à Tournai[328]; malheureusement cet inventaire, en conformité avec le point de vue adopté par la collection, ne couvrait pas les périodes concernées dans cette étude. Pour les découvertes les plus récentes, la source principale consiste dans les Chroniques de l’archéologie wallonne. Pour la période antérieure, on dispose de publications isolées, notamment celles issues de la Collection d’archéologie Joseph Mertens, de l’association SOS fouilles, dans une moindre mesure des compte-rendus annuels d’Archaeologia Mediaevalis et la chronique de la revue Helinium.

 

Depuis une dizaine d’années, on a cependant progressé considérablement dans la connaissance archéologique du Tournai carolingien. Les sondages déjà réalisés dans l’environnement immédiat de la cathédrale Notre-Dame (jardins de l’évêché, Place du Marché aux poteries, Place de l’Evêché, anciens cloîtres) et ceux en cours à l’intérieur même de l’édifice affinent progressivement nos connaissances en la matière. Plus fondamentalement, on notera que l’essentiel des témoignages archéologiques se limite aux fouilles d’édifices religieux (chapelle de la Grand’-Place, églises Saint-Piat, Saint-Pierre et Saint-Quentin). Force est de constater qu’on ne sait strictement rien de l’habitat tournaisien de cette époque, de la prétendue enceinte épiscopale et moins encore des structures économiques en place. Quant au matériel archéologique mis au jour, il se limite à quelques fragments de céramique.

 

TY 1: Cathédrale Notre-Dame

 

A.

Localisation et dates: Deux campagnes de fouilles menées en 1996-1997 et 2000-2001 aux abords et dans la cathédrale de Tournai, dans le cadre des sondages pour l’étude de la stabilité de l’édifice. Ces sondages sont complétés par la fouille menée actuellement dans la basse-nef nord de la cathédrale (été 2002- ).

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: L’étroitesse et l’éloignement des sondages réalisés empêchent jusqu’à présent la compréhension de toutes les structures découvertes. Du Bas-Empire cependant, on peut citer trois murs en «U», mis au jour au pied de l’abside nord du transept, et qui se prolongent sous les fondations de la cathédrale. Ces structures semblent être à mettre en relation avec le complexe découvert sous les cloîtres de la cathédrale. Au pied de la tour Brunin, un mur romain de plus de 2,60 m de haut sert d’appui aux fondations de la tour. Deux foyers ont également été découverts à cet endroit.

Sous la basse-nef nord, les niveaux les plus anciens attestent d’une occupation intensive du site (baignoire, nombreuses maçonneries) avant la construction de la cathédrale paléo-chrétienne. A cette première cathédrale pourrait appartenir deux murs maçonnés à 40 cm au-dessus de grandes dalles calcaires. Des pierres de ce type avaient déjà été découvertes en dehors de l’église actuelle, sous les cloîtres; leur fonction reste à ce jour indéterminée.

 

Epoque mérovingienne: Les publications disponibles à ce jour ne permettent pas de distinguer les structures “paléochrétiennes”, plutôt du Bas-Empire, de celles mérovingiennes.

 

C.

Epoque carolingienne: Sous la cathédrale préromane mise au jour (voir ci-dessous), on a trouvé plusieurs traces d’un bâtiment qui appartient à l’église cathédrale antérieure.

 

Quels sont ces vestiges? Dans la nef sud, la façade de l’église «de l’an mil» (voir ci-dessous) s’appuie sur un mur antérieur assez solide, maçonné avec du mortier rose et que les archéologues ont pu suivre sur une assez grande profondeur. En vis-à-vis de ces découvertes, dans la basse-nef nord, on vient de mettre au jour (novembre 2002), un tronçon de mur contre lequel viendront plus tard s’appuyer les fondations romanes. Un niveau de sol a également été observé à plusieurs dizaines de centimètres sous le béton préroman. Il pourrait correspondre au niveau d’occupation d’un bâtiment carolingien. Des découvertes du même type ont été faites dans le transept nord, à la cote 20,45m. Tout indique donc que la cathédrale carolingienne, comme la suivante, avaient une largeur plus ou moins équivalente à la nef de la cathédrale actuelle, soit environ 20 m.

Mais la découverte fondamentale de ces fouilles récentes est la mise au jour sous la basse-nef nord d’une structure circulaire très bien conservée, d’une profondeur d’1 m environ et d’un diamètre équivalent, et maçonnée en entonnoir. La forme de l’ensemble et la présence de trous sur son pourtour, témoignant d’une couverture sur colonnes (baldaquin?), semblent accréditer l’hypothèse du baptistère. La chronologie retenue pour l'instant est la période carolingienne tardive (10e siècle?). Cette structure est en tous cas antérieure à l’église du 11e siècle dont le niveau de sol vient recouvrir le tout.

 

Au pied de la tour Brunin, à l’intérieur de la cathédrale, on a trouvé un mur avec contrefort, conservé sur une hauteur de 1 m et orienté nord-sud. Des tombes contemporaines étaient associées à cette structure, et le tout fut surmonté par les fondations de l’église romane.

 

Un autre résultat spectaculaire de ces multiples sondages est la découverte, à 2,50 m sous le pavement de la cathédrale romane, à la cote 21,15 m, d’un niveau de sol parfaitement conservé de la cathédrale appelée provisoirement par les archéologues «de l’an mil», mais datant plus vraisemblablement du milieu du 11e siècle. Ce béton très solide, recouvert d’une fine couche de tuileau rouge, a été retrouvé à des hauteurs identiques dans la nef sud, à proximité de la porte Mantile et, plus récemment, dans la basse-nef nord. Le sondage de la basse-nef sud a également révélé la façade de ce grand édifice. Fait caractéristique: cette façade ne suit pas parfaitement l’orientation de la cathédrale romane, mais s’aligne plutôt sur les édifices romains et mérovingiens mis au jour sous les cloîtres de la cathédrale. La cathédrale «de l’an mil» comportait en outre une imposante tour de façade, dont le mur ouest mesurait 1,20 m d’épaisseur, et desservie par un escalier à vis auquel on accédait via l'intérieur de la nef.

 

D.

Brulet, Brutsaert et Coquelet 2001; Siebrand et Verslype 1997; Brulet, Brutsaert et Verslype 2002B; Brulet, Brutsaert et Dekers 2003; Fouilles en cours dans la basse-nef nord.

Nous tenons à remercier ici M.-A. Deckers pour les renseignements fournis.

 

TY 2: Cloîtres de la cathédrale et anciens batiments capitulaires

 

A.

Localisationet dates: Plusieurs campagnes de fouilles menées de 1997 à 1999, à l’emplacement des anciens cloîtres de la cathédrale de Tournai, place Paul-Emile Janson. En 2001, le chantier a été étendu à l’emplacement du «quadrilatère», également connu sous le nom de «porte du cloître».

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Des structures du Haut–Empire, les archéologues n’ont découvert que des fragments en pierre d’un grand édifice (temple?), réutilisés dans des constructions mérovingiennes. Au sud, un habitat en bois est très bien conservé. Son étude est en cours. A la fin du 3e ou au début du 4e siècle, à l’époque ou on construit l’enceinte romaine, l’ensemble du site est arasé. On y bâtit alors une grande salle d’environ 15 m sur 20, dotée d’un hypocauste monumental à canaux et décorée de stucs et d’enduits peints.

 

Epoque mérovingienne: Dans le courant du 5e siècle, l’ensemble du site est de nouveau nivelé et contre une partie des maçonneries de la grande salle détruite vient s’adosser un nouvel édifice en opus africanum alliant gros blocs de grès landéniens et calcaire local; le tout avoisine les 12 m sur 18 m. Cet édifice, qui pourrait avoir servi d’aula au groupe épiscopal primitif, semble également doté de chauffage à hypocauste. Dans l’angle sud-est de la construction, une abondante concentration de graminées, les restes d’un séchoir à grain et à l’extérieur de nombreux restes de boucherie témoignent de l’économie du site et d’occupations domestiques voisines. Toutes ces constructions sont recouvertes d’une grosse couche de terres noires, qu’on arrive à dater grâce à la présence d’un abondant matériel du 6e siècle.

 

C.

Epoque carolingienne: De la période carolingienne, on connaît à présent l’emplacement du cloître cité par les sources écrites en 817. Celui-ci précède la construction d’un ensemble canonial du 11e siècle. Le bâtiment suivant est le cloître roman construit au 12e siècle, et dont il subsiste un pan de mur. De l’ensemble carolingien et préroman, on a pu identifier un angle complet, des niveaux de sol et des structures annexes dont certaines pourraient s’apparenter à un lavabo. L’entrée d’un bâtiment canonial antérieur au 12e siècle a également été repérée, vers le nord-est. Il semble que l'effondrement d’une galerie soit à l’origine de la reconstruction du cloître carolingien deux siècles plus tard.

Plusieurs sépultures sans mobilier ont été découvertes dans l’emprise du complexe pré-roman. Celles-ci n’ont fait cependant l’objet d’aucune publication.

Enfin, à l’emplacement du «quadrilatère», de l’autre côté du fragment de mur du cloître roman, plusieurs maçonneries ont été mises en évidence. Il s’agit de radiers et de bétons de sol, en relation à des niveaux de circulation d’interprétation malaisée. Le tout prend assise dans d’épaisses couches de terres noires très instables et humides. Là ont été découverts quelques tessons de céramique carolingienne, qui viennent compléter le faible corpus de pièces de cette nature déjà trouvées à Tournai, soit à Saint-Brice, à la Place Saint-Pierre, à la Rue de l’Arbalète, à la Place de l’Evêché et sous les cloîtres de la cathédrale. L’étude de cet ensemble est en cours.

 

D.

Verslype et Siebrand 1997; Brulet, Siebrand et Verslype 1998; Brulet et Verslype 1998; Brulet et alii 1999; Brulet et alii 2000; Brulet, Brutsaert et Verslype 2002A.

 

TY 3: Vieux-Marché-aux-Poteries

 

A.

Localisation et dates: En 1991, une tranchée de fouilles a été ouverte le long des bas-côtés sud de la cathédrale, sous la chapelle gothique de Saint-Vincent, place du Vieux-Marché-aux-Poteries.

 

B.

Haut-Empire- Bas-Empire/ Epoque mérovingienne : Les structures mises au jour sous l’édifice absidial se refusent à toute datation précise. Les quelques maçonneries découvertes ont semble-t-il été édifiées sur un imposant remblai du Bas-Empire, comblant une excavation pratiquée antérieurement dans la roche, peut-être à des fins de carrière de pierre, selon l’hypothèse de M. Amand. Un canal maçonné, un sol et surtout un imposant mur témoignent d’une occupation active du site durant cette période. La facture de ce dernier le rapproche de la découverte sous les jardins de l’évêché d’un grand bâtiment daté du haut Moyen Age. Le matériel retrouvé, soit de la céramique romaine résiduelle, ne permet cependant aucune datation plus précise.

 

C.

Epoque carolingienne: Surmontant les structures décrites ci-dessus, un remblai massif, dense et homogène, constitué d’argile alluvionnaire, vient recouvrir l’ensemble. Le tout est recouvert d’une fine couche d’incendie apportée. Directement consécutif à ce nivellement, une petite chapelle est construite. L’édifice, apparemment mononef, mesurait 2,75 m de large et était ponctué d’un chevet absidial. Sa longueur ne nous est pas connue; elle excède en tous cas les 4,40 m. On accédait à l’abside légèrement surélevée par rapport à la nef via un seuil de pierre. La base d’un autel maçonné, mesurant 1,50 m sur 0,93 m, a aussi été repérée. On ne connaît pas la date de construction de la chapelle, mais l’environnement immédiat de l’édifice laisse penser à une fondation carolingienne, directement liée aux grands bouleversements du 9e siècle, à savoir le nivellement du site en vue de la construction du cloître et de la cathédrale. La fonction de la chapelle est inconnue. S’agit-il d’un édifice de culte privé, lié au palais épiscopal, et dont la future chapelle Saint-Vincent reprendrait plus tard la fonction et l’emplacement? Cette chapelle est-elle au contraire un élément du groupe cathédral carolingien? Rien n’est assuré. Quoi qu’il en soit, à proximitéimmédiate, plusieurs tombes contemporaines ont été identifiées. La phase la plus ancienne remonterait au 10e siècle: cela correspond aux premières inhumations intra muros, telles que pratiquées à Saint-Pierre à la même période. La chapelle est rasée lors du creusement des tranchées de fondations de la cathédrale romane, soit durant le premier quart du 12e siècle (sources: L. Deléhouzée).

 

D.

Brulet, Siebrand et Verslype 1998; Verslype 1993; Verslype 1994

 

TY 4: Jardin de l’Evêché

 

A.

Localisation et dates: Une partie du jardin de l’évêché a été fouillée au cours de l’hiver 1941-1942 par Marcel Amand.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: Dans le jardin de l’évêché, les découvertes ont porté principalement sur plusieurs maçonneries d’époque romaine, parmi lesquelles un mur de plus de 15 m de long et 1,20 m de haut, ainsi qu’un four à chaux circulaire de 3,30 m de diamètre, tous deux datés au 1er siècle après J.C. L’ensemble est recouvert de plusieurs couches de remblai, contenant un matériel hétéroclite du 2e au 4e siècle.

 

C.

Epoque carolingienne: S’appuyant en partie sur le grand tronçon de mur d’époque romaine, un grand bâtiment de 6,80 m de long et 2 m de large est construit sur le site. L’édifice est divisé en trois parties, et se distingue par son appareillage soigné, lié par un mortier grisâtre, ainsi que par la présence de deux niches accolées aux parements intérieurs revêtus d’un enduit blanchâtre. On a même mis au jour, à 0,90 m sous le niveau actuel d’après la publication consultée, un fragment du pavement de mortier blanc, reposant sur un radier de pierres. Selon M. Amand, sa construction remonterait au haut Moyen Age, en tous cas avant le 12e siècle. Notons que les interprétations de cet auteur et les relevés qu’il fournit sont aujourd’hui remis en cause (communication personnelle de L. Verslype).

 

D.

Amand 1984

 

TY 5: Place de l'Evêché

 

A.

Localisation et dates: fouille menée en 1986 à la place de l'Evêché à Tournai

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire/ Epoque mérovingienne : Aucune découverte substantielle d'occupation romaine ou mérovingienne n'a été faite à la place de l'Evêché. Les niveaux situés entre la couche carolingienne (voir ci-dessous) et le sol en place n'ont révélé que du matériel gallo-romain commun, sans aucune trace de structure.

 

C.

Epoque carolingienne: Les vestiges d'époque carolingienne sont rares. La principale découverte est celle d'un empierrement (couche n°10), constitué de petites pierres et de débris de tuiles. Ce niveau de sol surmonte une couche argileuse compacte (couche cotée n°13), épaisse de 0,30 m à 1 m, noirâtre, attestée comme étant carolingienne (9e-10e siècle) d'après la céramique mise au jour. L'empierrement a été retrouvé dans deux tranchées différentes, entre 2,28 m et 2,98 m sous le seuil de la cathédrale actuelle, et il présente une déclivité sensible vers l'entrée de l'église. En première hypothèse, on est là en présence du parvis de la cathédrale carolingienne ou pré-romane, vraisemblablement constitué entre le 10e siècle et la première moitié du 12e siècle au plus tard. En outre, dans la couche argileuse n°13 qui sert d'assise au cailloutis n°10, les archéologues ont mis au jour un cercueil en chêne, pour lequel l'analyse dendrochronologique par P. Hoffsummer a donné comme terminus post quem la date de 958.

Dans la tranchée I, entre l'empierrement du haut Moyen Age et la couche carolingienne n°13, les fondations d'un mur orienté est-ouest, d'une largeur de 1,40m témoignent de l'existence d'une construction -peut-être un simple muret- antérieure au grand nivellement du parvis.

Les tessons découverts dans la couche 13 constituent un rare exemple de céramique du haut Moyen Age à Tournai. En tout, on peut distinguer trois catégories. La première est représentée par 11 tessons caractéristiques des pots à cuire globulaires, à fond lenticulé et plat, grossièrement façonnés dans une pâte grise et cuits de manière irrégulière. On pense à une fabrication locale, s'apparentant à de la céramique datée du 9e au 10e siècles et retrouvée sur les sites de Petegem, Bruges ou encore Houdain-lez-Bavay. La seconde catégorie (4 tessons) est également constituée de pots à cuire, mais ici de facture plus soignée, et dont le bord éversé est creusé d'une gorge interne plus ou moins marquée. Dans deux cas, les bords portent un décor peint, ce qui tend à les rapprocher aux productions d'ateliers du nord de la France. Un tesson également peint rentre dans une troisième catégorie; la pâte est ici sableuse, rugueuse, avec des inclusions de chamotte. Dans l'attente d'études plus poussées sur la question, le tout est daté provisoirement de la fin 9e au 10e siècles.

Enfin, au début du 12e siècle, une épaisse couche de remblai fut apportée sur le site dès lors rehaussé, et le parvis de la cathédrale romane fut alors utilisé comme cimetière de manière intensive.

 

D.

Vilvorder et alii 1987; Raveschot 1989, p. 240.

 

 

TY 6: Place Saint-Pierre

 

A.

Localisation et dates: Fouilles menées dans la partie sud-est de la place Saint-Pierre à Tournai, de 1990 à 1991.

 

B.

Haut-Empire: Le site est occupé au Haut-Empire. En témoignent les fragments de fondations de trois murs en pierre, des restes de sols en béton ainsi qu’au nord-ouest, trois fours circulaires et une fosse. Le tout est daté de la fin du 1er au 2e siècle.

 

Bas-Empire: Un très grand édifice du 4e siècle (daté d’après un solidus de Constant, de ca 343) est construit sur l’habitat du Haut-Empire. Cet ensemble monumental comprenait au moins une salle de 32 m sur 24 m, s’ouvrant vers l’ouest par une porte monumentale. Sa partie sud-est fut réaménagée plus tard et dotée d’un hypocauste à canaux rayonnants. A la fin de la période, l’édifice est condamné et d’après la découverte de dix foyers de forme circulaire ou rectangulaire, l’ensemble fut alors réutilisé à des fins artisanales. Un très riche matériel archéologique a été mis au jour pour toute la période romaine, comprenant 734 monnaies (datées essentiellement de 260 à 402), 25 objets en métal, 7 perles et fusaïoles, 38 objets en os dont un grand nombre d’épingles, 3 fragments de verrerie, 6 éléments d’architecture et surtout une abondante production céramique, très diversifiée. Enfin, au sommet d’un mur arasé, on a placé la tombe d’un enfant de 2 ans. Son isolement, tant par rapport aux structures romaines que par rapport à celles de l’époque carolingienne, en font le prototype de la sépulture isolée.

 

Epoque mérovingienne: Sur les restes du bâtiment du Bas-Empire, une épaisse couche d’abandon a livré des restes de poutres calcinées et des fragments de torchis. Entre l’église du haut Moyen Age et l’arasement opéré, on a trouvé du matériel de travail de l’os et du bois de cervidé, quelques céramiques et une fosse contenant du matériel du 6e siècle. Aucun véritable niveau mérovingien n’a cependant été découvert: ni trou de poteau, ni maçonnerie, en positif comme en négatif. Du 5e siècle au 9e siècle, le site de la place Saint-Pierre se caractérise donc par un vide archéologique remarquable, posant le problème de la continuité de l’occupation urbaine à cet endroit.

 

C.

Epoque carolingienne: Trois bases de murs, construits sur les remblais tardo-romains matérialisent l’existence d’un édifice au haut Moyen Age. Des tronçons ont été repérés, certains contre la façade extérieure du grand bâtiment romain (0,70 et 1,90 m de long, cotés M14 et M15), un autre, parallèle aux premiers vers le sud-est, sous le départ de l’abside de l’église du bas Moyen Age. (ca 3 m, coté M16). Les retours latéraux des murs de cet édifice n’ont pas été retrouvés; peut-être ont-ils été noyés par la construction de l’édifice suivant, dont l’orientation coïncide parfaitement avec les fragments de murs mis au jour. Les dimensions de ces deux murs, leur facture et leur parallélisme remarquable, contrastant avec l’orientation du bâtiment romain, permettent de penser qu’ils faisaient partie d’un seul édifice, d’une longueur hors-tout estimée à 15,80 m et d’une largeur maximale de 7,60 m, conditionnant une superficie de 120 m². Le matériel archéologique découvert est rare. Il se compose de 9 fragments de céramique carolingienne, quelques objets métalliques et en pierre difficilement datables, 3 perles et fusaïoles et des fragments de verrerie romaine résiduelle. Surtout, on a mis au jour un riche matériel en os et bois d’animal -59 pièces- témoignant de ce type d’artisanat à cet endroit de la ville carolingienne. D’après la datation des objets découverts, on peut postuler une fondation de l’édifice à partir de la fin du 9e siècle, jusqu’au 11e siècle. Enfin, probablement au début du 12e siècle, la première église Saint-Pierre est détruite et on bâtit un édifice d’alignement identique, mais constitué de 3 nefs et d’un chœur polygonal.

 

A l’extérieur de l’édifice, plusieurs tombes ont été découvertes, qui confirment la fonction religieuse du bâtiment entouré. L’absence d’inhumation dans l’édifice pourrait par ailleurs constituer un indice chronologique, dans la mesure ou l’interdiction d’enterrer ad sanctos est caractéristique des dispositions conciliaires de la période carolingienne. Sous le parvis de l’église, 5 tombes ont pu être datées des 10e au 11e siècles. A l’intérieur de l’enclos funéraire, autour de l’édifice, 17 sépultures contemporaines ont pu être identifiées, parmi lesquelles un grand nombre d’enfants. Une grande majorité de ces ensevelissements ont été pratiqués en pleine terre (14) parfois avec calage sommaire (5); on trouve également 1 cercueil de bois, 3 caveaux coffrés et 1 caveau enduit. Enfin, ces tombes suivent généralement l’orientation de l’édifice carolingien ou sa perpendiculaire. On n’enterra dans l’édifice qu’après sa reconstruction au début du 12e siècle.

 

D.

Brulet et Verslype 1999

Cet ouvrage remplace évidemment tous les comptes-rendus de fouilles parus antérieurement dans les CAW sur le même sujet.

 

TY 7: Quai du Marché-aux-Poissons

 

A.

Localisation et dates: Plusieurs sondages menés sur les rives de l’Escaut entre 1995 et 1999, dans le cadre de la pose de canalisations à grande profondeur.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Abondant matériel du Bas-Empire découvert dans le tamisage de terres (27 m3) extraites du Quai du Marché-aux-Poissons, parmi lesquelles de la céramique, des monnaies, une balance, etc.

 

B-C.

Epoque mérovingienne - Epoque carolingienne: Quelques objets des périodes mérovingienne et carolingienne ont été découverts, jetés ou perdus dans le lit ou en bordure du fleuve quai Marché-aux-Poissons. On y trouve, outre un abondant matériel gallo-romain, l’extrémité d’une gaffe d’accostage, un fléau de balance et crochets, une bague-clé, des bracelets, de la céramique rhénane, un scramasaxe, une fibule ansée symétrique, etc. Ils témoignent d’une certaine forme d’activité à cet endroit de la ville, ou à tout le moins d’une fréquentation du rivage aux 7e et 8e siècles.

Par contre, les débarcadères présupposés du portus carolingien, desservant le quartier Saint-Pierre ne sont pas perceptibles dans les sondages réalisés. Le tracé du rivage est néanmoins décelable dans le parcellaire ancien et les plus vieux plans de Tournai, dont celui de Jacques de Deventer. Il ressort de ces analyses que l’Escaut décrivait anciennement une grande courbe à hauteur du Quai actuel, lequel devait donc se trouver plus à l’intérieur de la cité, à l’emplacement des îlots occupés par les premières habitations présentes aujourd’hui.

Surtout, on peut jauger aujourd’hui les différents niveaux d’occupation de la ville et du fleuve. Le niveau de l’Escaut, actuellement à 14,90 m d’altitude, est passé à environ 11,60 m au Haut-Empire à 13 ou 14 m au Bas-Empire et jusqu’au bas Moyen Age. Le lit du fleuve a lui davantage évolué: entre 8,50 m et 10,60 m à la fin de l’Antiquité, il est passé à environ 13 m au bas Moyen Age. Une conclusion s’impose donc: le tirant d’eau a considérablement diminué entre le Bas-Empire et la fin du haut Moyen Age, rendant plus difficile la navigation sur le fleuve.

Quant aux niveaux d’occupation de l’intra muros, rive gauche, il a été considérablement rehaussé depuis le début de notre ère: pour 11,20 à 12 m d’altitude au 1er siècle, il atteignait les cotes 13-14 au 3e siècle et n’évolua que très peu jusqu’au bas Moyen Age. Au 15e siècle, le niveau moyen d’occupation avoisinait les 14 m d’altitude. Au 20e siècle enfin, on atteint la cote 18! Les deux grandes périodes de remblaiement et de surévélavation sont donc les 2e et 3e siècles et surtout les Temps Modernes. Durant tout le Moyen Age, on a bâti à une altitude assez proche des niveaux romains; cela pourrait expliquer en partie le peu d’informations dont on dispose pour les périodes intermédiaires, mérovingienne et carolingienne.

 

D.

Brulet, Deckers et Verslype 2002; Verslype 1998; Verslype, Hennebert et Tilmant 2002.

 

TY 8: Rue des Puits l’Eau

 

A.

Localisation: Fouille préventive menée en avril 2002 à la Rue des Puits l’Eau, à la parcelle 136a.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Deux phases de construction romaine ont pu être dégagées. Découverte entre autres de deux murs parallèles en moellons équarris, dont l’un a encore une hauteur de 1 m. Sol en béton rose. Cet ensemble pourrait dater du Haut-Empire.

 

B-C.

Epoque mérovingienne - Epoque carolingienne: Entre les structures romaines et les niveaux médiévaux se trouve un imposant remblai de terres noires, non daté par les archéologues.

 

D.

Deramaix et Sartiaux 2001.

 

TY 9 : Rue de l’Arbalète

 

A.

Localisation: Fouille menée en 1987 à la Rue de l’Arbalète, dans la cour intérieure d’une maison particulière, parcelle 321 b. Sondage d’étendue limitée (2,40 m sur 1,80 m) mais riche d’enseignements.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Le sondage a permis la découverte à 2,90 m sous le niveau de sol actuel, d’un égoût orienté sud-est / nord-ouest, avec un canal de 0,30 m de large et profond de 0,30 m. Comblant et surmontant cette construction, plusieurs couches stratigraphiques ont livré un abondant matériel céramique gallo-romain, dont de la sigillée, des fragments de tuyaux et de tuiles, un col de cruche, etc.

 

Epoque mérovingienne: Nul matériel mérovingien n’est à signaler

 

C.

Epoque carolingienne: Entre –1m et –2,10 m, surmontant tous les niveaux romains et une concentration de grosses pierres, une épaisse couche de remblai a livré outre des individus gallo-romains résiduels un abondant matériel céramique médiéval, s’échelonnant du 9e au 13e siècles. Pour la période qui nous intéresse, il faut signaler la découverte de fragments de bords de pot globulaire à lèvre évasée, réalisés dans une pâte grise à dégraissant calcaire, cuits dans une atmosphère réductrice. Bien que de facture plus soignée, ces fragments présentent certaines similitudes avec le matériel contemporain -le 9e ou le 10e siècle- mis au jour à la Place de l’Evêché. Enfin, d’autres types de céramiques découverts dans la même couche ont été mis en relation avec des trouvailles d’Arras et de Petegem, et datés des 11e ou 12e siècle.

 

D.

Lavendhomme et Vilvorder 1988.

 

TY 10: Grand’-Place

 

A.

Localisation et dates: Trois fouilles de contrôle réalisées en 1997, en face de l’église Saint-Quentin, au centre de la Grand’Place et enfin au sud-est de celle-ci, dans le cadre d’une revitalisation urbanistique du centre ville, subsidiée par le fonds Objectif 1.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Les plus anciens vestiges d’occupation de la place remontent à la fin du 1er siècle de notre ère. On a découvert notamment une tombe à incinération, qu’on peut associer avec la grande nécropole gallo-romaine de la Grand’-Place, mise au jour en 1916. Un long mur d’une vingtaine de mètres, construit au 2e siècle en face de l’actuelle Halle aux draps, témoigne de l’aménagement d’un espace -et donc peut-être d’un habitat- au Haut-Empire à cet endroit de la cité.

 

Epoque mérovingienne: Aucune découverte archéologique ne témoigne de l’occupation du site à la période mérovingienne.

 

C.

Epoque carolingienne: la partie fouillée au nord-est de la Grand’Place, en face de Saint-Quentin, n’a livré aucune structure archéologique, pas plus que du matériel céramique ou faunique; cela peut paraître paradoxal si l’on en croit la fonction commerciale du site au 10e siècle.

La découverte fondamentale se situe plus à l’est; il s’agit d’un édifice cultuel associé à un vaste cimetière, et dont les archéologues ont établi la construction entre la fin du 8e et le 10e siècles. L’édifice est construit en rupture de pente, à même le rocher, et est curieusement orienté nord-est / sud-ouest. Il est de plan mononef, à abside semi-circulaire et mesurait hors tout de 6,20 m à 6,50 m de largeur et vraisemblablement plus de 8 m de longueur. Les fondations sont plus larges au niveau de la nef (1,20 m) que sous l’abside (0,90 m). A l’extérieur de l’église, plusieurs tombes creusées en pleine terre et recouvertes de grandes dalles de calcaire semblent être contemporaines de la construction de l’édifice.

Vers le 11e siècle, l’église est agrandie; on y adjoint deux collatéraux, larges de 3,50 m et 3,20 m. Ils renferment alors chacun un caveau maçonné anthropomorphe, fermé de dalles plates: on interprète le tout comme étant deux chapelles funéraires privées. La nécropole autour de l’édifice se développe rapidement. 120 tombes ont été fouillées; elles possèdent en commun l’absence de mobilier funéraire - à l’exception de plaques de bronze trouvées dans quatre d’entre elles -, mais diffèrent par leur orientation et leur disposition spatiale, le type d’enfouissement et le traitement du corps. Un grand nombre d’enfants en bas âge ont été retrouvés le long des murs de la chapelle.

On hésite quant à la fonction et la titulature de l’église. L’hypothèse défendue par A. Henton est que la chapelle Saint-Quentin du forum mentionnée par Hériman de Tournai comme existant en 953 pourrait bien correspondre à l’édifice découvert sur la Grand'-Place. L’église Saint-Quentin actuelle n’est en effet pas antérieure au 12e siècle; cette date coïncide avec la destruction probable de la chapelle et la désaffectation du cimetière découvert en 1997: on aurait donc affaire à un déplacement des fonctions, en vue de libérer l’espace pour une large place de marché, telle qu’on la connaît encore à l’heure actuelle. Cet aménagement d’un forum est attesté en négatif: à la fin du 12e siècle, la chapelle est détruite, une partie de la colline est arasée et le tout est nivelé. Cette donnée permet de justifier la faible profondeur à laquelle se situent les vestiges découverts, ainsi que l’absence regrettable de niveaux de sol du haut Moyen Age.

 

D.

Henton 1998A; Henton 1998B.

 

TY 11: Eglise Saint-Quentin

 

A.

Localisationet dates: Fouille menée en 1960 par la S.N.F. sous l'église Saint-Quentin, avant d'entamer la rénovation de l'édifice. Quatorze tranchées dispersées sur toute la surface de l'église, mais les plus importantes sous la nef. Ces recherches complétaient les quelques sondages réalisés en 1942 par Paul Rolland.

Il serait utile de reprendre les documents des fouilles réalisées sous Saint-Quentin à la lumière de ce que l’on sait désormais pour le sanctuaire de la Grand’-Place. C'est que la partie relative au haut Moyen Age est relativement expéditive dans la publication de 1972.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: La fouille de 1960 révéla l'existence d'une nécropole gallo-romaine sous la nef de l'église Saint-Quentin. En tout, 10 tombes ont été dégagées, 4 à inhumations et 6 à incinérations. Le matériel récolté est pauvre, principalement de la céramique. Aucun édifice romain n'a été mis au jour sur le site.

 

Epoque mérovingienne: Voir ci-dessous

 

C.

Epoque carolingienne:

La chronologie du site est très problématique. Entre les tombes romaines tardives, de la fin du 4e siècle et la construction de l'abside de l'église romane, vraisemblablement au 11e siècle, il est pratiquement impossible de dater les structures découvertes. Par ailleurs, cette question n'a pas particulièrement retenu l'attention des fouilleurs plus préoccupés par la nécropole gallo-romaine, et le peu matériel du haut Moyen Age mis au jour n'a pas, à notre connaissance, fait l'objet d'un suivi particulier.

Que sait-on au juste? La nécropole romaine est abandonnée à une époque indéterminée. Une épaisse couche de terre noire recouvre alors le site, comme un peu partout en ville à la même époque.

 

Un fait intéressant est que cette couche, repérée de part et d'autre de la nef, suit la déclivité naturelle du terrain, légèrement en pente vers le nord-ouest. Cette donnée confirme le caractère non bâti du site, alors en dehors de l'enceinte de la fin du 3e siècle. Des traces d'activité ont néanmoins été repérées sous la forme de deux cavités circulaires (n°6 et n°24), remplies de terre noire, de bois pourri et de restes d'incendie. La trace n°6 (niveau -304) pourrait même avoir été un four, à en croire les fragments de céramique et les nombreux débris brûlés découverts.

 

Surtout, trois murs parallèles en pierre sèche, moellons et mortier grisâtre (n°25, n°32/33 et n°48/52), larges de 1,10 m à 0,80 m et apparemment de longueur identique ont été mis au jour dans la moitié orientale de la nef actuelle. Leur orientation, parfaitement équivalente à celle du chevet de l'église romane et de la façade de l'église actuelle, est le seul indice nous permettant de postuler à l'existence d'un édifice religieux. La datation de ces vestiges est cependant très aléatoire. Sans élément de référence, les fouilleurs n'ont osé à l'époque avancer aucune chronologie. Pour résoudre ce problème, deux solutions existent. La première est de dater les structures mêmes, par la méthode comparative, en les confrontant aux autres églises découvertes depuis à Tournai, sur base du type de maçonnerie et de mortier utilisé (comparer avec les églises Saint-Brice, Saint-Piat, Saint-Pierre, le sanctuaire de la Grand'-Place, le site de la cathédrale et la petite chapelle sous la fausse porte). La seconde possibilité est de recourir à la chronologie relative, en datant l'abside semi-circulaire qui recouvre tout le site. En attendant qu'une de ces deux pistes soit un jour mise à profit, force est de constater que dans l'emprise du bâtiment ainsi délimité, aucune tombe "tardive" n'est signalée. Par contre, à l'ouest, on trouve deux sépultures "tardives" à inhumation, l'une très profonde orientée nord-sud et recouverte de dalles (n°45, niveau -281) et l'autre orientée est-ouest (n°46, niveau -127), qui renfermait une poterie datée du 10e-11e siècle. A proximité immédiate, une tombe recoupant une sépulture romane est orientée dans l'axe de l'édifice actuel, en plein milieu de l'abside romane à une profondeur de -160 à -149. Aucune date n'est cependant avancée pour cette tombe qui pourrait avoir été privilégiée. Enfin, deux autres tombes sont recoupées par l'abside romane et sont donc antérieures à celle-ci, les n° 30 et 40. Cette dernière se caractérise par une fosse étroite, le squelette avec les bras le long du corps, des restes de fer et des clous qui pourraient attester de l'existence d'un cercueil en bois disparu. Toutes ces sépultures, établies en dehors du bâtiment, renforcent la thèse de la vocation religieuse de l'édifice précédant directement la construction de l'église romane. Faute de chronologie plus sûre, on se gardera cependant de discuter plus avant de la signification d'une telle implantation.

 

Une couche d'incendie (niveau -185 dans la tranchée I, niveau -125/153 dans la tranchée II) semble recouvrir les maçonneries du premier édifice et pourrait témoigner de la destruction violente de l'église pré-romane. Le matériel découvert dans celle-ci est qualifié de "tardif, post-romain", sans davantage de précisions. Faut-il lier cette destruction à l’action de l’évêque Fulcher qui, selon la tradition, aurait détruit l’église beati Quintini de foro en 953? Auquel cas il faudrait conclure que l’abside semi-circulaire qui surmonte le tout daterait de la seconde moitié du 10e siècle. Le peu d’éléments à notre disposition empêche de trancher en ce domaine.

 

D.

Mertens et Rémy 1972; Rolland 1946.

 

TY 12: Parc de l'Hôtel de ville

 

A.

Localisation et dates: Fouilles menées en 1919, 1940, 1941 et 1945, à l’emplacement du préau de l’ancienne abbaye de Saint-Martin, aujourd’hui aménagé en espace vert, le Parc de l’Hôtel de ville.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: /

 

Epoque mérovingienne: La nécropole du Parc de l’Hôtel de ville renferme 51 tombes à inhumation, dont 26 avec mobilier. Les objets découverts dans les sépultures offrent un large panel de matériel mérovingien, allant des armes à la céramique biconique, en passant par des éléments de parure, de la verrerie et des monnaies. La chronologie déduite de ce mobilier indique une occupation du 5e au 7e siècles, avec un pic au 6e siècle.

 

C.

Epoque carolingienne: Les fouilles publiées par Fr. Hubert semblent montrer que la nécropole mérovingienne est abandonnée au cours du 7e siècle. En tous cas cette chronologie est clairement établie grâce au matériel retrouvé dans les sépultures. Pour les tombes sans mobilier, au nombre de 25, elles ne se distinguent singulièrement des autres sépultures ni par leur localisation dans le cimetière, ni par leur profondeur, leur orientation ou le mode d’inhumation. On aurait donc tendance à les rattacher au groupe des sépultures datées de l’époque mérovingienne.

 

D.

Hubert 1963.

 

TY 13: Eglise Saint-Piat

 

A.

Localisation et dates: Fouille de sauvetage réalisée en 1970-1971 dans la nef de l’église Saint-Piat, dans le cadre d’une consolidation des piliers de l’édifice et la pose d’une conduite de chauffage.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Le site est habité au Haut-Empire: on y a trouvé trois fragments de planchers en bois et des bases de murs orientés N.O – S.E., plusieurs fosses-dépotoirs et des foyers. Au 2e siècle, on y aménage plusieurs citernes, maçonnées en brique et pierre, ainsi qu’une canalisation. Du Bas-Empire, on ne possède que cinq tombes à inhumation sans mobilier, fortement perturbées. Pour M. Amand et H. Lambert, ces découvertes ténues ne suffisent pas pour affirmer que le site a été utilisé comme nécropole à la fin du 3e siècle.

 

Epoque mérovingienne : La chronologie des édifices d’époque mérovingienne découverts à Saint-Piat n'est pas aisée. Tout d’abord, un plancher consumé est signalé devant la façade de la première basilique. Plus intéressant, il semble que les tombes retrouvées sous l'abside étaient antérieures à la construction de la première église découverte. On serait donc en présence d'un édifice, un oratoire, antérieur à la première basilique construite en dur. Quant à l’église même, elle est en pierre et adopte dès le début une orientation N.O S.E. La nef à trois travées mesure 13,70 m de large pour 13,20 m de long et est ponctuée par une abside de 4,80 m de large et de long. Le pavement est constitué d’un mortier beige, badigeonné d’ocre. Les maçonneries tant extérieures qu'intérieures sont peu soignées. La base de trois piliers de plan carré a été retrouvée dans la nef; ces derniers mesuraient entre 1,40 m et 1,60 m de côté, et des banquettes y avaient été aménagées. Le matériel trouvé parmi les sépultures pratiquées dans l'abside et à l'extérieur de l'édifice permet de dater cette première église du début du 6e siècle.

Les structures de l'église primitive sont réutilisées partiellement dans la seconde basilique. Les murs gouttereaux et de chaînage sont en effet intégrés dans un édifice de même largeur, mais beaucoup plus long. Quatre travées furent ainsi ajoutées aux trois existantes, ce qui porterait la longueur de l'édifice à plus de 25 m, hors abside. L'ancienne abside est alors rasée, le pavement légèrement surélevé. Les archéologues n'ont retrouvé ni la façade de la seconde basilique, ni l'abside, si ce n'est de cette dernière peut-être l'entrée. A l'extérieur le long des nefs, des contreforts venaient renforcer les murs gouttereaux. La date et les raisons de cet agrandissement sont inconnues. M. Amand et H. Lambert y voient le signe de l'accroissement de la communauté chrétienne à Tournai, et peut-être la conséquence de l'apport de nouvelles reliques, éventuellement sous l'épiscopat de saint Eloi, entre 641 et 659 -au vu de l'action décisive d'Eloi dans le culte porté au martyr Piat-, ce qui correspondrait à la date des inhumations les plus récentes pratiquées dans l'abside de la première église.

 

C.

Epoque carolingienne: En admettant la chronologie développée ci-dessus, il semble que l'édifice du 7e siècle se soit maintenu durant tout le haut Moyen Age avant que, durant le seconde moitié du 11e siècle, on le remplace par une plus imposante église romane, alors attestée sous le vocable de Saint-Piat. L'intérêt des archéologues à l'époque ne s'est pas du tout porté sur la période comprise entre le 7e et le 11e siècle, et la publication à notre disposition n’aborde pas la question de l’édifice carolingien et de son éventuel environnement funéraire. Tout semble cependant indiquer qu'on n'inhuma plus ad sanctos à l'époque, et que comme l'édifice fut utilisé sans discontinuité, aucun matériel carolingien n'a logiquement été découvert dans les remblais séparant les niveaux de circulation de la seconde église et de l'église romane.

 

D.

Amand et Lambert 1980.

 

TY 14: Quartier Saint-Brice

 

A.

Localisation et dates: Quatre campagnes de fouilles menées de 1983 à 1986, sur une partie de la Terrasse Saint-Brice ainsi que dans les jardins et caves de propriétés privées sises entre les rues Barre Saint-Brice et de Monnel, soit 11 secteurs, cotés de A à K.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: On a mis au jour dans les différentes parcelles de nombreuses fosses-dépotoirs, trois celliers, un four à chaux circulaire entouré de trois trous de poteaux. Le matériel archéologique, découvert en quantité, s'échelonne du 1er au 4e siècle. L'étude archéomagnétique du four a elle révélé une fourchette chronologique du milieu du 2e à la fin du 4e siècle.

 

Epoque mérovingienne: Les fouilles menées de 1983 à 1986 avaient pour objectif principal de cerner l'environnement funéraire de la tombe de Childéric, découverte en 1653, probablement sous le mur mitoyen des maisons situées sur les parcelles 473 a et 474 a. Les archéologues ont ainsi pu découvrir 92 tombes disposées à minimum 12 m de la tombe de Childéric. Cet espace réservé semble indiquer l'existence d'un vaste tertre autour du tombeau royal. En bordure de ce tumulus, trois sépultures de chevaux indiquent la qualité du personnage enterré, enseveli selon les rites païens. Le matériel archéologique retrouvé dans ces tombes offre un panel large en matière d'armement, de parures féminines, de fibules et de céramique.

 

C.

Epoque carolingienne: Les structures découvertes relatives à la période carolingienne sont très rares. Deux fosses en forme d'entonnoir, dont l'une taillée dans la roche, ont livré 9 fragments de céramique de facture et pâte grossières, un fin anneau de bronze, un stylet en os poli et deux fragments d'os ouvragés. Les caractéristiques de la céramique, soit de gros pots globulaires à fond lenticulaire et à pâte à gros dégraissant calcaire, permettent de la classer parmi des productions du nord de la France et du bassin scaldéen, datées du 9e au 11e siècle. Le décor à la molette d'un tesson le rapproche de céramiques rhénanes contemporaines, de type Badorf. Enfin, du matériel de la même facture a été découvert hors stratigraphie.

Le problème majeur auquel sont confrontés les archéologues et les historiens est celui de la continuité entre l'époque mérovingienne et la période suivante. Le cimetière mérovingien est utilisé au moins jusqu'au 7e siècle, mais aucun indice ne permet de faire le lien avec le premier édifice chrétien. Ce dernier est par ailleurs méconnu, à moins qu’il s’agisse de l’église préromane mise en lumière par P. Rolland durant la guerre (voir ci-dessous). L'existence des fosses mentionnées ci-dessus pourrait signifier la réutilisation d'une partie au moins du cimetière vers le 9e siècle à des fins d'habitat. Ce n'est que bien plus tard et en relation avec l'édifice chrétien, qu'un cimetière paroissial viendra recouvrir l'ancienne nécropole mérovingienne.

 

D.

Brulet 1990B; Brulet 1991.

 

TY 15: Eglise Saint-Brice

 

A.

Localisation et dates: Fouilles menées en 1940 et 1941 dans la nef de l'église actuelle, en prévision de la restauration de l'édifice après les bombardements allemands de mai 1940.

 

B.

Haut-Empire / Bas-Empire: Les fouilles sous l'église Saint-Brice n'ont permis la découverte d'aucune structure en place datable des époques romaines ou mérovingiennes. Par contre, du mobilier en certaine quantité atteste de l'occupation du site: il s'agit de fragments de sigillée romaine ou d'imitation et de tessons en terra nigra, probablement de fabrication locale. Enfin, les murs de l'église préromane ont été en partie construits avec des blocs de pierre de remploi, de petit appareil et liés par du mortier rose.

 

Epoque mérovingienne: De la période suivante, on retiendra principalement que le site sert de nécropole, en relation directe avec la sépulture de Childéric (voir ci-dessus). Une des tombes du bas-côté de l'église préromane a notamment révélé un tesson de poterie noire biconique ainsi qu'une plaque de ceinturon en bronze étamé et à décor d'entrelacs. Ce matériel n'appartient cependant pas en propre aux sépultures mises au jour: il doit donc faire partie du remblai d'une tombe mérovingienne, bouleversée lors de la construction de l'église préromane. Du coup, la construction de l'église est forcément postérieure à 650, qui correspond à la datation de la plaque boucle mise au jour.

Reste à résoudre le problèmes des tombes sans mobilier situées sous les fondations de l'église préromane, principalement sous les absides des nefs et le mur gauche du chœur. L'orientation strictement orientée des squelettes diffère de celle S-O N-E de l'église. A l'exception d'une petite poterie de terre gris-noir, percée de trous et difficilement datable, l'absence de mobilier pourrait induire une datation de la fin de la période mérovingienne voire le début de la période suivante. La publication à notre disposition est cependant trop laconique pour trancher en cette matière. Cette problématique ne peut être sérieusement résolue sans retourner aux rapports de fouilles de l'époque et les comparer avec la documentation résultant des fouilles menées durant les années '80 sur le site de la terrasse Saint-Brice et abords.

 

C.

Epoque carolingienne: Stricto sensu, les murs mis au jour sous la nef de l'église actuelle appartiennent à un édifice dont la chronologie peut s'étendre du 7e siècle à l'an mil. Tout indique en tous cas que la construction d'un sanctuaire chrétien matérialise un changement radical dans la vocation du site, consistant jusqu'alors en une nécropole païenne. Quant à la nature et la fonction primitives de l'église, elles restent énigmatiques. Au 12e siècle, on la sait le siège d'un doyenné important, au sein de l'archidiaconé de Brabant dans le diocèse de Cambrai. L'origine de ce doyenné demeure cependant inconnue. Quels ont pu être les facteurs de l'implantation d'un édifice de taille relativement importante pour l'époque, sur le site d'une nécropole mérovingienne abandonnée, en dehors de la juridiction de la cité de Tournai? Est-ce le signe tangible du développement démographique de la rive droite à l'époque carolingienne ? Faut-il plutôt privilégier l'hypothèse d'une église funéraire, dans la tradition mérovingienne, c'est-à-dire extra muros, le long d'une voie antique, sur le site d'une nécropole, comme à Saint-Piat? Contre cette théorie, on peut cependant noter le faible encombrement funéraire de l'église, à peine quatre caveaux dans le bas-côté gauche. On doit néanmoins regretter que l'endroit le plus intéressant de l'édifice en termes liturgiques, l'abside du chœur, a disparu avec le creusement de la crypte de l'église romane. Impossible donc de lier la construction de l'église avec une tombe privilégiée, comme à Saint-Piat.

En quoi consiste cette église? Il s'agit d'un édifice de plan basilical, à trois nefs, large de 14,60 m hors tout et dont la nef mesure 18,40 m de long - l'extrémité du chœur n'a pas pu être déterminée -. Les bas-côtés sont ponctués d'une abside semi-circulaire. La largeur de la nef centrale ainsi que du chœur correspond à celle de la nef de l'église romane, soit 6 m.. Par ailleurs il semble que la façade de l'église préromane ait servi de point de départ à toutes les églises postérieures, tour exceptée. Les fondations, creusées dans une terre noirâtre et qui a livré de nombreux fragments d'os, sont faites de pierres sèches, avec un grand nombre de matériaux de remploi romains, surtout pour le chœur. Les murs sont construits au moyen de moellons grossiers, non équarris; leur masse est faite d'un blocage de pierres noyées dans un bain de mortier grisâtre. Ces murs sont épais de 0,80 m pour les murs gouttereaux des nefs, 1,20 m pour les piles rectangulaires de la nef centrale et les murs du chœur. Le passage des nefs vers les absides et vers le chœur se faisait probablement en franchissant une marche et en passant sous une arcade dont on a retrouvé les fondations et le départ des piles.

Une banquette de pierre enduite, résultant d'un aménagement ultérieur, courrait le long des murs latéraux des nefs. Le sol, dont deux états ont pu être identifiés, consistait en une couche rosée, faite d'un assemblage de chaux et de briques concassées, d'une épaisseur variant de 1 à 5 cm.

Tout indique que l'édifice a subi un incendie, à la suite duquel des banquettes ont été aménagées, le pavement légèrement surélevé et un second enduit jaunâtre appliqué contre les murs intérieurs et sur les 6 piles de la nef.

La particularité de l'église consiste dans les terminaisons en hémicycles des collatéraux de la nef. D'une profondeur de 2,40 m, la présence de ces absides était matérialisée par un décrochement très net des murs gouttereaux, de 15cm à l'intérieur et de 30cm à l'extérieur, ainsi que par la présence probable de bandes murales ou de petits contreforts.

Parmi les vestiges de mobilier mis au jour, il faut signaler la découverte sur le sol, le long du mur du bas-côté droit d'une grande dalle carrée de pierre bleue, de 1,30 m de côté et épaisse de 6 cm. A cet emplacement, on s'est abstenu de couler le béton rosé déjà signalé et d'appliquer contre les murs une banquette: cette pierre de remploi, sans lien avec une quelconque sépulture, devait donc présenter une signification particulière aux yeux de ses contemporains. Surtout, dans le bas-côté gauche, quatre tombes maçonnées, enduites et groupées deux à deux correspondent par leur orientation dans le sens de l'église et la stratigraphie à l'église préromane. Elles contenaient chacune un squelette encore en place mais aucun matériel en propre, si ce n'est des ferrures de cercueil.

 

D.

Rolland 1943.

 

Tournai: Produits d'exportation

 

De tous les portus de la vallée de l'Escaut, Tournai est le site où l'on peut déterminer avec le plus de précision l’ un des produits "fabriqués" sur place et destinés à l'exportation. Cela tient bien évidemment à la pérennité du matériau concerné: la pierre calcaire de Tournai.

 

Des carrières étaient exploitées dès l'époque romaine et cette richesse du sous-sol est certainement déjà liée au développement de la cité. Outre les nombreux monuments construits en pierre dans l'intra muros tournaisien, le matériau se rencontre entre autres à Famars en amont de Tournai au 3e siècle, dans les fondations du temple de Kontich près d'Anvers et dans les fortifications d'Oudenburg et d'Aardenburg à la même époque. Il faut cependant exclure du lot les stèles en pierre dédiées à la divinité Nehalennia et trouvées en Zélande en 1970; un article récent à montré que ces pièces étaient sculptées dans du calcaire mosan[329].

 

A la période mérovingienne, l'extraction de la pierre de Tournai connaît une diminution brutale: à notre connaissance, le matériau ne se trouve plus qu'à Tournai même, et uniquement dans un contexte religieux, pour le site de la cathédrale et celui de Saint-Piat. Par ailleurs, cet usage strictement local consiste essentiellement en un réemploi de la pierre, présente en abondance dans les constructions romaines ruinées ou en passe de le devenir. Le seul exemple connu d’exportation mérovingienne est celui du sarcophage de saint Fuscien, datant du 6e siècle, et conservé dans l’église de Sains, en Picardie[330].

 

A l'époque carolingienne, la situation ne semble pas réellement s'améliorer: la production est toujours essentiellement limitée aux églises de Tournai et leurs annexes[331]: cloîtres et cathédrale, églises Saint-Pierre et Saint-Piat, chapelle sous la fausse porte de la cathédrale, puis plus tardivement sans doute chapelle de la Grand'-Place, églises Saint-Quentin et Saint-Brice. Les rares exceptions connues sont l'aula comtale et la capella de Petegem, qui succèdent durant la première moitié du 9e siècle à divers édifices en bois; les fours à chaux du début de ce siècle découverts à proximité de l'abbatiale de Saint-Pierre et qui témoignent de l’utilisation du matériau à des fins de construction, et éventuellement les églises abbatiales de Saint-Bavon et Saint-Pierre elles-mêmes. En fait, l'exportation de la pierre de Tournai ne se généralise pas avant le milieu du 10e siècle. On la rencontre alors dans l’église Saint-Vaast de Nederename et Saint Donat de Bruges, puis dans les fondations du castrum et dans celles des églises Saint-Laurent et Saint-Sauveur d’Ename, ainsi que dans de nombreuses constructions de Bruges[332], puis dans le donjon comtal de Gand au 11e siècle.

 

Dans cet inventaire, l'élément le plus frappant sans doute est qu'à l'exception de Bruges, tous les sites où l'on a exporté de la pierre de Tournai au haut Moyen Age sont situés directement sur l'Escaut, et plus précisément sur le cours moyen du fleuve, entre Tournai et Gand. Cette portion, qui exclut le haut Escaut (Valenciennes, Cambrai et toute la vallée de la Scarpe et de la Haine) et le bas Escaut (Anvers) correspond exactement, à l’exception d’Ename, à l'emprise de l'évêché de Tournai. A l'intérieur du diocèse, l'Escaut semble donc avoir maintenu la communication et les échanges entre les différentes agglomérations situées sur son cours, même au plus fort de la féodalité. Pour autant bien entendu que les pierres utilisées dans les édifices sus-mentionnés ne soient pas toutes des matériaux de récupération, auquel cas il faudrait conclure à un arrêt intégral de l'exctraction de la pierre de Tournai entre le 5e et le 11e siècle.

 

Tournai: Monnaies

 

L'existence d'un atelier monétaire mérovingien semble être confirmée à Tournai. A la période suivante, la production monétaire est attestée de Charlemagne à Charles le Simple, soit de 771 à 929.

 

Denier de Charlemagne, type de 771-793/4 (1 exemplaire)

Droit: CARO/LVS en 2 lignes, cercle de grènetis

Revers: TOR/ + NA + /CO en trois lignes, 2 traits horizontaux

Référence: Depeyrot 1021, Frère 8, Hoc 5

Lieu de découverte: indéterminé

 

Denier de Charles le Chauve, type de 864-875 (1 exemplaire. 2 exemplaires selon Hoc?)

Droit: + GRATIA DEI REX monogramme

Revers: + TORNACO CIVIT croix

Référence: Depeyrot 1022, Frère 10, Hoc 10-11

Lieu de découverte: trésor de Zelzate (prov. Flandre Or., ar. Termonde, B.)

 

Obole de Charles le Chauve, type de 864-875 (1 exemplaire)

Droit: + GRATIA DEI REX monogramme

Revers: + TV°NACV…CAV croix

Référence: Depeyrot 1023

Lieu de découverte: trésor de Bligny (dép. Marne, ar. Reims, Fr.)

 

Denier de Charles le Chauve, type de 876-879 (6 exemplaires)

Droit: + GRATIA DEI IMP monogramme

Revers: + TORNAII PORTI croix (ou TORNACI PORTI)

Référence: Depeyrot 1024, Frère 9, Hoc 6 -7 - 8 - 9

Lieux de découverte: trésors de Glisy (dép. Somme, ar. Amiens, Fr.), Arras (ch.-l. du dép. Pas-de-Calais, Fr.), Monchy-au-Bois (dép. Pas-de-Calais, ar. Arras, Fr.)

 

Denier de Charles le Simple, type de 898-929 (indét.)

Droit: + HROLVS PIVS REX croix

Revers: + TORENA CIVIT en 2 lignes

Référence: Depeyrot 1025

Lieu de découverte: indéterminé

 

Tournai: Topographie urbaine

 

L'origine de Tournai est indubitablement liée à son emplacement privilégié sur l'Escaut, sur une des dernières éminences calcaires qui domine la campagne environnante et le fleuve avant son entrée dans la large plaine flamande.

 

Le plus ancien plan dont on dispose pour Tournai est celui du cartographe Jacques de Deventer, réalisé entre 1550 et 1554[333]. A cette époque, la première enceinte communale était encore bien visible en ville sur les deux rives de l’Escaut. Cette enceinte, du 12e siècle, protégeait les quartiers des futures paroisses de Saint-Quentin, Notre-Dame et Saint-Piat sur la rive gauche, et celle de Saint-Brice sur la rive droite. En dehors de cette certitude, il est bien malaisé de repérer le tracé des enceintes antérieures, soit romaine, préépiscopale ou encore épiscopale.

 

De l’enceinte romaine, le seul tronçon jamais répéré est celui de la Loucherie, parallèlement à l’Escaut. Le débat reste entier au sujet de l’étendue de cette enceinte et donc de l’urbs du Bas-Empire. On admet généralement comme limites maximales de la cité aux époques romaine et mérovingienne l’espace compris entre les grandes nécropoles mises au jour sur la rive gauche et la rive droite de l’Escaut. Ce périmètre serait donc compris entre la Rue des Jésuites au sud –au vu de la possible nécropole sous l’église Saint-Piat, la Grand’-Place à l’ouest pour les mêmes raisons, au nord la Rue du Cygne, limite de l’enceinte du 12e siècle- et enfin l’Escaut à l’est. Les hypothèses excluant de ce périmètre le complexe cathédral et épiscopal sont selon nous à exclure; la construction de l’église cathédrale en dehors des fortifications du Bas-Empire constituerait presque dans cette hypothèse un unicum dans le concert des villes épiscopales de la Gaule du nord. Quoi qu’il en soit, le centre de la cité romaine devait se situer, comme aujourd’hui, entre l’Escaut et la cathédrale, là où le parcellaire se fait plus étroit et plus régulier. Cette agglomération s’est développée à proximité d’un passage sur l’Escaut (Pont à Pont), au croisement de la chaussée longeant l’Escaut (Rue de Courtrai actuelle) et celle venant d’Arras, qui traverse le fleuve et passe à côté de Saint-Brice, sur la rive droite.

 

J. Demeulemeester a émis l’hypothèse de l’existence d’une enceinte préépiscopale de forme oblongue, se limitant au quartier Saint-Pierre, entre la Rue de Courtrai et l’Escaut[334]. A nouveau, un modèle excluant la cathédrale paraît peu crédible. La théorie d’une enceinte mérovingienne avait été avancée la première fois par C. Dury et J. Nazet[335]. Ces auteurs ont émis l'hypothèse que le claustrum épiscopal était fortifié indépendamment de l'enceinte gallo-romaine, qui n'englobait donc pas le groupe cathédral actuel. A l’appui de cette théorie, il faut mentionner la frappe de monnaies distinctes à Tournai, sous Charles le Chauve dans la civitas et dans le portus. L'existence d'une clôture entourant le groupe épiscopal (le claustrum) depuis 817 peut être aisément postulée; quant à savoir si elle correspond bien à la firmitas de 898, cela semble beaucoup plus douteux. Le diplôme tout d'abord ne parle pas d'une enceinte récente, construite ex nihilo mais bien d'une firmitatem antiquitus statutam, qu'il y a lieu d'identifier avec la fortification héritée du Bas-Empire romain. Par ailleurs, selon l'hypothèse défendue par ces auteurs, les murs occidentaux de l'urbs du 4e siècle redescendaient vers l'Escaut à partir du beffroi; un sondage archéologique réalisé au pied de la tour en 1996 n'a pas recoupé d'enceinte[336]. On est dès lors plus enclin à se rallier à l'hypothèse de Raymond Brulet, dont le modèle englobe le groupe épiscopal[337].

 

Mais y a-t-il eu une enceinte épiscopale, carolingienne?

La topographie de la ville, au 16e siècle comme à l’heure actuelle, laisse deviner le dessin d’un arc de cercle autour du complexe cathédral, contre l’Escaut. Ce tracé pourrait correspondre au rétrécissement de l’agglomération carolingienne et son recentrement autour de la cathédrale, qu’elle ait été entourée ou non d’une fortification[338]. Cela expliquerait pourquoi, en 953, l’église Saint-Pierre est située de media urbe. Le tracé en arc de cercle est également séduisant au vu des nombreux points de comparaison existant avec d’autres agglomérations contemporaines, parmi lesquelles Gand et Alost. La superficie ainsi protégée à Tournai serait la plus importante de tous les sites repérés par J. Demeulemeester. Par ailleurs, la présence d'un Marché-aux-Poissons dans le castrum et d'une place de marché à sa périphérie (Grand’-Place) est commune à un grand nombre d’agglomérations, entre autres Courtrai, Arras, Termonde, Audenaarde, Douai, Ypres, Saint-Omer, etc.

Sur base de cette hypothèse, le tracé irrégulier de la première enceinte communale s’expliquerait par l’accroissement démographique que connaît Tournai au 10e et surtout 11e siècle, extra muros. A l’ouest, c’est tout le quartier du marché, de la Grand’Place et de l’église Saint-Quentin de foro, qui se voit ainsi protégé. Au sud, le tissu urbain s’est étoffé autour de l’église Saint-Piat, d’origine mérovingienne. Enfin, rive droite, le quartier de Saint-Brice est également conquis et protégé.

 

A contrario, la localisation du centre d'activité du portus carolingien est peu sujette à débat. Pour autant que l'on veuille bien admettre que le Pont-à-Pont actuel, attesté pour le début du bas Moyen Age, occupait déjà une fonction similaire -qu'il ait été construit en dur ou qu'il s'agisse d'un simple gué- à la période qui nous intéresse, il y a tout lieu de situer l'endroit de déchargement et de chargement des marchandises à proximité immédiate de ce croisement de voies fluviale et terrestre. Du reste, on conçoit sans trop de difficulté que cet emplacement devait se situer sur la rive gauche du fleuve, la seule alors tombant sous la juridiction de la ville et la seule donc où le comte puis l'évêque pouvait percevoir le tonlieu. On peut par ailleurs raisonnablement émettre comme hypothèse que ce débarcadère se situait à l'intérieur de l'enceinte de la cité; resterait alors à déterminer précisément l'emprise de cette dernière. Enfin, les plans anciens attestent que l'Escaut, lors de son passage dans la ville, s'élargissait à mi-chemin, offrant les conditions idéales pour le stationnement de navires à cet endroit. Bref, tout concourt à désigner le quartier Saint-Pierre comme le cœur de ce portus[339]. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’à tout endroit de la ville un tant soit peu favorable, le débarquement devait être possible, d’où une éventuelle multiplication des points d’activité économique. On sait par exemple qu’au Haut-Empire, le Luchet d’Antoing, sur la rive droite, fut utilisé comme lieu de transbordement de marchandises. Un aménagement des berges est donc toujours possible un peu partout sur le parcours du fleuve en ville. Seule la découverte d’installations portuaires importantes permettraient donc d’asseoir définitivement le quartier Saint-Pierre comme centre du portus.

 

La carte de dispersion des découvertes archéologiques (annexe, carte 3) relatives au haut Moyen Age confirme dans les grandes lignes cette topographie; en dehors des églises sub-urbaines (Saint-Piat, Saint-Brice, Saint-Quentin, chapelle de la Grand’-Place), les seuls lieux où ont été mis au jour des structures ou du mobilier des 9e –11e siècles sont situés entre la cathédrale et l’Escaut. Même si le nombre de découvertes reste encore étonnamment réduit, cela semble confirmer l’hypothèse selon laquelle le quartier Saint-Pierre est bien de media urbe, et que c’est là que se situerait le centre économique de l’agglomération. On attend bien sûr avec impatience le résultat des fouilles menées actuellement dans et autour de la cathédrale.

 

3.2.3 Ename

 

L’agglomération d’Ename n’est connue par l’archéologie que depuis la seconde guerre mondiale. Entre 1941 et 1947, A. L. J. Vande Walle effectue les premiers sondages sur le site de l’ancienne abbaye d’Ename, disparue à la Révolution française. Depuis 1982, à l’initiative du Service de fouilles national puis du Service régional de l'archéologie en Flandre (l'I.A.P.: Instituut voor het archeologisch patrimonium) et de la ville d’Audenaarde, les campagnes de fouilles se sont multipliées. Les publications, par l’historien L. Milis et l’archéologue D. Callebaut, ont alors paru à intervalle régulier, dans les revues Archaeologia Belgica et, plus récemment, Archeologie in Vlaanderen[340]. Ces contributions remplacent utilement les chroniques de fouilles d’Archaeologia Mediaevalis. Le site d’Ename est même devenu, grâce au groupe Ename 979, un centre archéologique expérimental accessible au public et disposant d’une fenêtre sur internet (http://www.Ename979.be). On peut y suivre semaine après semaine les fouilles qui y sont réalisées, avec photographies et commentaires des découvertes à l’appui. Un musée archéologique a vu également le jour à Ename, et est rapidement devenu un prototype en la matière, reconnu par les instances internationales (Unesco).

 

Ena 1: Donjon

 

A.

Localisation et dates: Les premiers sondages ont été menés à partir de 1982, au nord de la voie de chemin de fer Courtrai-Bruxelles, sur un site fortement perturbé par les activités d’une briqueterie.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne:

 

C.

Epoque carolingienne:

Des études récentes ont montré que le donjon en pierre n’a pas été implanté sur un site vierge d’habitat. Plusieurs niveaux d’occupation ont ainsi été recoupés au sud et à l’est par la tranchée de fondation du grand bâtiment castral. Ces couches contenaient de la céramique d’Autelbas, un site de production proche d’Arlon -dont l’activité s’étend de la seconde moitié du8e siècle au siècle suivant- et de nombreux os d’animaux. Ces niveaux de cirulation ont pu être plus précisément datés par C14 au dernier quart du 10e siècle. Les premières traces d’occupation du site remonteraient effectivement à la «fondation» de ca 974.

 

Les fondations du donjon, d’une profondeur de 3 m et d’une épaisseur de 1,75 m, en pierre calcaire de Tournai, dessinent un plan rectangulaire de 36m du 11m, soit une superficie intérieure de 270 m². Ces fondations se composent de différentes couches. Tout d’abord, deux rangées de troncs étaient couchées sur le sol en place et superposées de travers. Cette grille de 3,40 à 5,35 m de largeur supportait le premier niveau des fondations, en pierre bleue non maçonnée, d’environ 1m de haut. Enfin, le mur du donjon surmontait le tout. D’après les fragments conservés au nord-est, ce mur devait mesurer entre 3 et 4,40 m de large; cela pourrait révéler l’existence d’au moins un étage supplémentaire. C’est cet indice, couplé à la taille très imposante de l’édifice et le soin apporté à sa construction, ainsi que la proximité avec l’Escaut qui plaident pour une identification avec le castrum munitissimum des sources historiques.

Jusqu’à il y a peu, on attribuait la construction du donjon de pierre à Godfroid de Verdun, soit au début de son règne vers 974. Cette datation avait soulevé de nombreuses objections parmi les spécialistes des fortifications, pour lesquels une telle construction ne pouvait être antérieure au 11e siècle. Quoi qu’il en soit, la construction devait précéder la démilitarisation du site par le comte de Flandre en 1047. L’analyse au C14 des troncs utilisés dans le radier de fondation a permis effectivement d’avancer la construction à l’extrême fin du 10e siècle voire le début du siècle suivant. Le donjon de pierre devait donc succéder à un édifice plus modeste, probablement en bois, et dont toutes les traces ont disparu avec le creusement d’imposantes tranchées de fondations ca 1000.

 

D’équerre au mur occidental du donjon, et parallèle au fossé du castrum, un fragment de mur en pierre de Tournai, de 1,40 m de large a été retrouvé. Il pourrait s’agir d’un reste de l’enceinte du donjon, qui aurait dès lors été emmuraillé indépendamment de l’ensemble castral.

 

A proximité immédiate de ce mur et courant parallèlement à celui-ci à 10 m du donjon, les archéologues ont trouvé une dépression de plus de 9 m de large, 1,90 m de profond et suivie sur plus de 17 m de long. Ce fossé a été comblé en trois phases, chacune ayant livré un abondant matériel céramique. Des analyses récentes au C14 de ce mobilier ont donné comme fourchette chronologique la période comprise entre 1000 et 1033. Le fossé aurait dès lors perdu son carcatère défensif bien avant la rétrocession du castrum au comte de Flandre.

 

D.

Callebaut 1982, p.82; Callebaut 1983A, p. 102-106; Callebaut et alii 2002, p. 231-241.

 

Ena 2: Aula, camera et chapelle

 

A.

Localisation et dates: A.L.J. Van de Walle a fouillé le site entre 1941 et 1947, lorsque l’endroit fut utilisé à par une briqueterie. L’ensemble a fait l’objet d’une nouvelle fouille en 1994.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Le bâtiment mis en évidence par les recherches de A.L.J. Van de Walle est situé au centre d’un parcellaire d’environ 1 ha, de forme trapézoïdale, limité sur trois côtés par un ancien bras de l’Escaut, aujourd’hui comblé, et au sud par un fossé défensif. Il s’agit d’un édifice en pierre de Tournai, de plan rectangulaire de 36 m de long et large de 11 m hors tout, ponctué à l’est par une abside semi-circulaire. La construction, dont seules les fondations de 1,90 m de large étaient conservées, était divisée dans sa longueur en trois parties. A l’ouest, la plus petite partie (environ 5 m sur 7 m dans œuvre) a été identifiée comme étant la camera comtale; la partie centrale, la plus importante (environ 20 m sur 7 m dans œuvre), comme l’aula, et enfin la salle ponctuée d’une abside semi-circulaire (8 m sur 7 m) serait une capella. Cette dernière partie est mise en relation avec les sources contemporaines qui mentionnent l’existence d’une chapelle Notre-Dame infra castrum, désservie par un chapitre de chanoines. Les différentes entrées de cet édifice n’ont pas pu être localisées.

 

Les fouilles de 1994 ont permis, grâce à des prélèvements de mortier dans le mur sud de l’ensemble, de dater la construction à la fin du 10e siècle ou au début du 11e. L’aula serait donc contemporaine de l’érection du donjon en pierre, à la fin du règne de Godfroid de Verdun.

 

Les recherches de D. Callebaut dans l’emprise du castrum ont permis de mettre en évidence une construction en bois, située au nord du donjon. Cet édifice était supporté de poteaux de bois, comme le suggèrent les trous de 60 à 70 cm de diamètre retrouvés sur le site. Le plan exact n’a cependant pas pu être restitué; sa fonction pourrait tout aussi bien être celle du gynécée mentionné par la Vita sancti Macarii, qu’un édifice à vocation économique ou agricole. On distingue deux phases de construction. Entre cet édifice et le donjon se trouvait une dépression où les archéologues ont mis au jour un grand nombre d’os d’animaux.

 

Enfin, plusieurs tessons de céramique de type Pingsdorf ont été trouvées dans le castrum par le même Van de Walle. La localisation de ces découvertes n’est malheureusement pas précisée.

 

D.

Van de Walle 1945, p. 37-51; D’Hondt et Van de Walle 1950; Callebaut 1983A, p. 102-106; Callebaut 1992, p. 27; Callebaut et alii 2002, p. 239.

 

Ena 3 : Fossé défensif et environnement

 

A.

Localisation et dates: Fouilles menées en 1982 au sud de la voie de chemin de fer Courtrai-Bruxelles, à l’occasion du dédoublement de celle-ci.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne:

La fortification d’Ename a été mise en evidence à quelques mètres au sud du donjon en pierre. Elle consistait en un fossé de 140 m de long, d’une largeur maximale de 18m et profond de plus de 5,70 m. Adossés à ce système défensif, les fragments d’un mur de pierre de plus de 1,50 m de large ont été retrouvés, associés avec des madriers de bois. Le castrum de la fin du 10e siècle aurait dès lors été protégé vers le sud par un large fossé, ceint par une enceinte de pierre.

 

Au sud de cet ensemble, les poteaux en bois de deux constructions ont pu être identifiés. Le plus grand bâtiment était supporté par huit paires de pieux, d’un diamètre de 30 à 50 cm. L’ensemble mesurait 35 m de long pour 5,5 à 5,8 m de large. Au sud, une autre rangée de poteaux a été identifiée. Leur inclinaison vers l’intérieur de l’édifice pourrait indiquer qu’ils servaient de soutien à la toiture. Un autre édifice de bois a été repéré au sud- est du premier. Le plan de ce dernier n’a pu être restitué; la dizaine de trous de poteaux à cet endroit se répartit sur une superficie de 19 m sur 4 m. Les niveaux de circulation des deux édifices ont été identifiés; chacun a révélé des traces d’incendie. Aucun matériel d’époque du 10e ou du 11e siècle n’a été découvert sur le site, qui fut occupé dès les années 1070 par des bâtiments abbatiaux, ce qui fournit un terminus ante quem pour la construction des deux édifices sur poteaux..

 

D.

Callebaut 1982; Callebaut 1992, p. 25.

 

Ena 4: Portus

 

A.

Localisation et dates: Fouilles réalisées dès 1978 et de 1982 à 1986 dans et autour de l’église Saint-Sauveur, au sud de la voie de chemin de fer Courtrai-Bruxelles, soit en dehors de l’emplacement du castrum.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne:/

 

C.

Epoque carolingienne: Sous les vestiges de l’abbaye bénédictine, les archéologues ont mis au jour de nombreuses traces d’habitat et de constructions en bois. Trois phases d’occupation ont été repérées. La première -la plus ancienne- comprend quelques trous de poteaux groupés, mais qui d’un point de vue archéologique ne témoignent pas d’un habitat intensif.

 

A la période suivante, le terrain est sillonné de fossés, probablement un système de drainage, qui délimitent de petites zones où vient s’implanter l’habitat. A l’exception de l’église en pierre, les constructions sont en bois, de plan très simple et disposées sans réelle structuration. Certaines maisons sont à leur tour recoupées par d’autres fossés, phénomène qui témoigne de réaménagements successifs du parcellaire. Les archéologues distinguent quatre îlots d’habitat (I-IV). Au centre de ce dispositif se trouve l’église Saint-Sauveur (secteur I, voir ci-dessous). A l’ouest (secteur II) un large fossé circulaire donne sur une cavité rectangulaire, vraisemblablement une citerne. Plusieurs trous de poteaux ont été repérés dans l’espace ainsi délimité, mais sans qu’il soit possible de rendre sur plan les édifices concernés. Les archéologues croient pouvoir y distinguer des résidences dont le plan précis n’a pu être restitué et des constructions annexes, aux fonctions indéterminées. Le secteur situé au nord de l’église (secteur III) présente les mêmes caractéristiques: quelques trous de poteaux au centre d’un îlot entouré de fossés, avec la difficulté supplémentaire que deux larges fossés y furent creusés à une époque ultérieure, et plus tard encore les ailes du cloître de l’abbaye. Enfin, contrastant avec les découvertes précédentes, le secteur IV atteste de l’existence d’un parcellaire quadrangulaire, délimité par des fossés rectilignes. Le site est cependant par trop perturbé par les constructions postérieures pour oser avancer quelque certitude qui soit en la matière.

Durant la troisième phase surviennent plusieurs modifications importantes. Deux fossés sont alors creusés; l’un rectiligne et vraisemblablement défensif, orienté est-ouest, de 8,50 m de large et 68 m de long, et amorçant vers l’est une courbe à 90° vers le sud; l’autre, de forme elliptique de 2,50 à 6,50 m de large, à la fonction indéterminée. Tout indique donc que le portus avait aussi sa propre protection. Celle-ci était encore visible au milieu du 17e siècle (plan de Jan Bale, 1661-1663), et actuellement se repère par la dépression du terrain à cet endroit. Ce fossé protégeait donc l’église au nord, à l’ouest et au sud: il lui est, plus que probablement, contemporain. Ce caractère défensif du fossé est renforcé par la découverte, durant les années 1941-1946 et en 1978, d’une rangée de pieux de chêne à proximité, que tout désigne comme étant les fragments d’une palissade. Reste à connaître l’étendue de cette protection, et si elle concernait l’ensemble du portus, ou simplement l’église Saint-Sauveur. Outre le fossé, les archéologues rattachent à cette troisième phase les nombreux fragments de charbon de bois répartis sur tout le site, témoignant d’un incendie violent, ainsi que de plusieurs constructions de bois érigées en partie sur les anciens fossés, dont une a révelé un trou de foyer.

Sur l’ensemble du site, plusieurs fragments de céramique à pâte grise ont été mis au jour. Le matériel est façonné au tour, et décoré de nombreux motifs au poinçon. Il s’agit vraisemblablement de production locale, comme le suggère d’ailleurs la découverte par A.L.J Van de Walle d’un four de potier dans le chœur de l’église Saint-Sauveur du 12e siècle. Des produits d’importation sont également présents, parmi lesquels de la céramique peinte rouge et de la céramique blanche, de la vallée mosane. Le tout est systématiquement antérieur à 1050. Enfin, de nombreux restes de tegulae et d’imbrices (gallo-romains) sont signalés dans tous les niveaux archéologiques.

A côté de la céramique, différents objets en os, en terre et en métal ont été découverts. Une pierre d’essai et des fragments de bronze fondu pourraient témoigner de l’activité artisanale du portus.

 

D.

Callebaut 1978; Callebaut 1987B, p. 213-217; Callebaut 1992, p.32-34.

 

Ena 5: Eglise Saint-Sauveur

 

A.

Localisation et dates: Deux campagnes de fouilles menées à l’emplacement de l’église abbatiale de Saint-Sauveur; l’une durant la seconde guerre mondiale (1942-1946), l’autre en 1985-1986.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Les fouilles de A.L.J. Van de Walle ont révélé l’existence, sous l’église abbatiale du 12e siècle, d’un bâtiment antérieur, que les sources historiques permettent de dater au début du 11e siècle. Le plan restitué de l’édifice montre une église orientée mononef d’une longueur totale de 27 m et large de 10,30 m hors tout, précédée à l’ouest d’un avant-corps ou d’une tour carrée -la faible épaisseur des murs ne permet pas réellement de trancher à ce sujet- et ponctuée d’une abside semi-circulaire. L’édifice -du moins ses fondations - est construit en pierre de Tournai, maçonnée dans un mortier constitué de chaux, de sable fin et de fragments de briques. Les angles de la nef et de la tour étaient renforcés de contreforts d’1,70 m sur 1,30 m. A l’emplacement de la tour occidentale, les restes d’un béton de sol de 4,4 cm de large ont été découverts, surmontant un radier en épi de 25 cm d’épaisseur et constitué de pierre calcaire. L’entrée de l’édifice a pu être identifiée dans le mur nord de la nef.

 

Par ailleurs, Van de Walle mentionne la découverte sous le chœur de la basilique du 12e siècle d’un four de potier. L’archéologue signale également des traces d’habitat contemporain de l’église à proximité de celle-ci.

 

L’église a fait l’objet d’une nouvelle fouille en 1985-1986 par D. Callebaut. Ces recherches ont surtout permis d’identifier les transformations liées à son nouveau statut d’abbatiale. Cette fouille autour et dans de l’église n’a pas permis de déceler un cimetière chrétien organisé. Seules deux sépultures isolées témoigneraient de la vocation funéraire de l’édifice.

Enfin, le changement d’affectation de l’église en abbatiale, autour de 1070, impliqua un agrandissement de l’édifice et la construction du premier cloître.

 

D.

Van de Walle 1947, p. 294-297; Callebaut 1985, p. 89-94; Callebaut 1987B, p. 213; Callebaut 1993, p. 438; Callebaut et alii 1992.

 

Ena 6: Eglise Saint-Laurent

 

A.

Localisation et dates: L’église Saint-Laurent est bâtie sur un léger promontoire qui domine l’agglomération, à 380 m de l’église Saint-Sauveur. Les premiers sondages à caractère scientifique ont été réalisés en 1968 à l’occasion de l’installation du chauffage central. Des recherches plus approfondies ont été menées à la fin des années ’80 et le début des années ’90, dans le sous-sol comme dans le bâti, dans le cadre notamment d’études relatives à la stabilité de la tour. En 1995, ces investigations ont été poursuivies. En 2000, l’église est à nouveau fouillée, avant d’être restaurée en 2001. Enfin, des tranchées creusées à proximité lors de l’aménagement d’un sentier en 2002 ont permis d’améliorer la connaissance de son environnement.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: le premier niveau d’occupation est une couche brun-gris de 20 cm d’épaisseur, contenant du matériel gallo-romain et probablement à vocation agricole.

Sur ce niveau romain, une couche de 50 cm d’épaisseur de couleur variant du gris clair au brun foncé, précède directement la construction de l’église. La vocation agricole est ici aussi vraisemblable.

 

C.

Epoque carolingienne: L’église actuelle de Saint-Laurent date pour sa plus grande partie du 11e siècle. Lors des travaux et des fouilles archéologiques, de nombreuses traces d’un édifice antérieur ont cependant été mises au jour, et sont à rattacher à l’église du portus ottonien. Le plan de cette église n’a pas pu être restitué avec précision par les fouilles. Il semble cependant que le sanctuaire primitif était constitué d’une mononef de 10m de large, longue d’environ 19,50m et qui se prolongeait à l’est par une annexe carrée: le chœur. Contrairement à la situation actuelle, l’édifice primitif était donc, semble-t-il, orienté. Les fondations de ce chœur ont servi par la suite de base à la tour que l’on connaît actuellement. Comme l’église Saint-Sauveur, les angles de Saint-Laurent étaient renforcés par des contreforts. Le matériau de construction est systématiquement la pierre de Tournai.

Dans un second temps, à la nef de Saint-Laurent sont accolés deux bas-côtés, on construisit une tour à l’est et à l’ouest une autre annexe carrée. Ces agrandissements s’accompagnèrent d’un dédoublement du chœur, comme l’atteste la découverte à l’est de riches peintures murales d’inspiration byzantine. De cette seconde église, on a également mis au jour deux fragments de mortier de sol, à 50 cm sous le niveau d’occupation actuel, et recouvert d’une abondante couche d’incendie.

La datation de ces découvertes est plus problématique. Les sources mentionnent clairement Herman de Verdun (après 998-1025) comme fondateur des deux églises du portus. Il faut donc lui attribuer la construction du premier édifice. Mais dans un second temps, le dédoublement du chœur, les fresques découvertes et de manière plus générale la filiation de l’église avec le style roman mosan, indiquent une influence ottonienne assez nette, probablement sous Henri II (1002-1024). Ces transformations sont en tous cas antérieures à 1047, date à laquelle le site passe au comte de Flandre et perd dès lors son statut militaire et politique. Il y a donc fort à parier que la construction de l’église de plan basilical est directement contemporaine de celle du donjon en pierre du castrum (voir ci-dessus) et s’insère dans un large programme «urbanistique».

 

Enfin, l’environnement de l’église était aménagé en cimetière, lequel a été divisé en trois phases. A la première, la plus ancienne, appartient deux sépultures anthropomorphes d’adultes, l’une creusée à même la terre, l’autre maçonnée en pierre de Tournai. Les autres phases sont de loin postérieures au 11e siècle.

 

D.

Callebaut 1993, p. 435-470; Callebaut et alii 1997, p. 20-21; Ameels et alii 2003.

 

Ename: Produits d'exportation

 

La jeune agglomération d'Ename semble avoir importé un grand nombre de produits pour répondre à ses besoins de consommation, parmi lequels on retiendra principalement la pierre de Tournai et la céramique de France, de la vallée mosane et du Rhin. Un artisanat local est bien attesté par les fouilles (atelier de bronzier et d'orfèvre, tabletterie, four de potier) et le commerce par voie d'eau est mentionné par les textes, mais on n'a jusqu'à présent pas pu établir la liste des produits destinés à l'exportation. On attend dans ce contexte avec impatience une étude exhaustive sur la céramique locale, qui pourra servir de publication de référence lors de chantiers de fouilles en dehors d'Ename.

 

Ename : Monnaies

 

Aucun atelier de frappe monétaire n'est attesté à Ename.

 

Ename: Topographie «urbaine»

 

A la différence de Valenciennes, Tournai ou encore Gand, Ename n’a rien conservé de sa structure pré-urbaine des 10e et 11e siècles: le castrum, le portus et les différents fossés et structures défensives ont été complètement annihilés par l’installation de l’abbaye bénédictine vers 1070. Le seul témoin de la période ottonienne d’Ename est l’église Saint-Laurent. Le reste, il faut le déduire des légers accidents du sol, mais surtout de la topographie ancienne (carte de Jan Baele, vers 1660) et de l’archéologie.

 

Ce qui a déterminé l'installation d'un castrum sur la rive droite de l'Escaut dans le dernier quart du 11e siècle, c'est la boucle formée par un méandre du fleuve (voir annexe, carte 4). L'Escaut aujourd'hui ne longe plus le site que sur son flanc occidental; au 11e siècle -et la situation se lisait encore sur les plans du 17e siècle - le fleuve opérait là un virage à 180° vers le sud-est, avant de remonter vers le nord, et délimitait dès lors sur trois côtés une bande de terre en forme de losange, d'une superficie d'environ 1 ha. Ce site exceptionnel, sur la frontière et en première ligne face au comté de Flandre, a été naturellement choisi pour y installer un donjon fortifié et ses bâtiments annexes. Restait alors à défendre le côté accessible par voie de terre, au sud-est; celui-ci fut fermé par un large fossé. Des fragments de cette structure se repéraient encore çà et là dans les accidents du terrain, du moins avant qu'une voie de chemin de fer ne vienne recouvrir une bonne partie du site.

 

Le castrum était d'une superficie très limitée; ceci explique peut-être pourquoi le portus s'est développé en marge de celui-ci, soit au sud-est. Ici, cependant, il convient de distinguer de manière radicale fondation castrale et développement économique du portus, les deux n’étant pas forcément synchrones, en dépis des allégations des Gesta Episcopum Cameracensium. Quoi qu’il en soit, la croissance de l'agglomération fut extrêmement rapide, puisque à peine une trentaine ou une quarantaine d'années après la prétendue "fondation" du site, on jugeait utile d’ériger deux nouvelles églises, dont l'une située à plus de 500m des fortifications du castrum. On ne sait si l'agglomération bénéficiait d'éléments de défense.

 

L’emplacement précis du débarcadère du portus reste indéterminé. Y avait-il par ailleurs un seul endroit de débarquement ou d'embarquement des marchandises? Au vu de la topographie ancienne, trois localisations ont été proposées. La première est l’extérieur du méandre de l’Escaut lors de son entrée dans l’agglomération, au sud-ouest de l’église Saint-Laurent. La seconde possibilité est en aval du castrum, à l’est de Saint-Laurent, et est celle connue sous le nom de «oude Schelde». Enfin, la proposition la plus vraisemblable localise le débarcadère légèrement au sud du donjon, dans une dépression encore visible sur le plan de Jan Baele («coye weeken») au milieu du 17e siècle, et où l’Escaut dessinait une courbe à 90° vers l’ouest.

 

La topographie religieuse est beaucoup mieux connue. La première église sise sur le territoir d'Ename est la chapelle Notre-Dame fondée, d'après les textes, infra castrum, et que l'archéologie a identifié avec l'édifice absidial découvert par A.L.J. Van de Walle durant la seconde guerre mondiale. Plus au sud, en dehors de l'enceinte fortifiée, l'église Saint-Sauveur apparaît comme l'église du portus, soit celle autour de laquelle se regroupe le cœur économique et artisanal de l'agglomération. Fondée d'après les textes en même temps que sa consoeur, l’église Saint-Laurent est bâtie sur un léger promontoire qui domine l’agglomération, à 380 m au sud de l’église Saint-Sauveur. Cette seconde fondation contemporaine livre un indice intéressant concernant l'étendue d'Ename au début du 11e siècle, marquant en quelque sorte l'extension démographique de l'agglomération, qui n'a pu se développer que vers le sud. Plus tard, en 1070, Saint-Laurent devient église paroissiale tandis que Saint-Sauveur acquiert le statut d'abbatiale.

 

3.2.4 Gand

 

Gand, parmi les portus de la vallée de l’Escaut, fait figure d’exception en matière de développement des recherches: un service d’archéologie urbaine, en étroite relation avec l’université de Gand, y est en place depuis 1975, et publie depuis 1977 un bulletin trimestriel «Stadsarcheologie» où l’on trouve l’essentiel de l’information primaire relative aux fouilles qui y sont réalisées. On consultera également les comptes rendus annuels, assez succincts, parus depuis 1978 dans Archaeologia Mediaevalis. D’autres publications indépendantes permettent d’approfondir la connaissance archéologique du site, depuis la seconde guerre mondiale[341]. Surtout, des synthèses historiques sur Gand paraissent à intervalles assez réguliers, nécessitant une constante remise à niveau de l’état des connaissances archéologiques relatives aux origines de l’agglomération.

 

D’une manière plus générale, les résultats très encourageants qu’ont déjà livrés les recherches sur le haut Moyen Age à Gand ont sensibilisé très tôt les fouilleurs à cette problématique. Le matériel céramique découvert, notamment, est abondant. La comparaison avec un site comme celui de Tournai -où ce type de mobilier reste encore anecdotique- ou Ename devrait dans le futur être riche d’enseignements.

 

Les notices du catalogue ont été réparties en fonction de l'emplacement des lieux de fouilles; soit à l'intérieur du méandre formé par la Lys avant sa confluence avec l'Escaut (Gd 1-22), autour de l'abbaye Saint-Bavon (Gd 23-26), et enfin sur la rive gauche de la Lys (Gd 27-30).

 

Gd 1: Jardin de l'abbaye Saint-Pierre au mont Blandin

 

A.

Localisation et dates: L’abbaye Saint-Pierre est située sur la rive gauche de l’Escaut, sur le versant oriental du mont Blandin, à 29 m d’altitude. Des fouilles ont été menées au sud de l’église, dans le jardin abbatial oriental, entre 1972 et 1973. Une quinzaine de tranchées ont ainsi été creusées, entre d’imposants murs en pierre, appartenant à un état du 14e siècle. Le plan de l'abbatiale des 10e-12e siècles a pu être en partie restitué grâce au "plan rouge" de l'abbaye, l'iconographie ancienne et les sources historiques.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: /

 

Epoque mérovingienne: C’est vers 639 selon la Vita Bavoni qu’Amand aurait fondé sur le Mont Blandin une basilica et un coenobium pour quelques moines. D’après les fouilles menées à proximité et dans l’église abbatiale, les structures les plus anciennes à cet endroit ne semblent cependant pas antérieures au début du 9e siècle.

 

C.

Epoque carolingienne: Avec le retour au Mont-Blandin des moines de Saint-Pierre au milieu du 10e siècle, après leur fuite devant les Normands, on procéda à la reconstruction de l'abbatiale. Certains vestiges des 10e-12e siècles sont encore visibles aujourd'hui, sous l'église baroque. Sous la coupole de l'abbatiale du 10e siècle ont été mis au jour les fragment les plus anciens, peut-être d'origine carolingienne. En 975, un nouveau chœur fut construit, suivi d'une tour occidentale en 979. Il ne semble pas qu'il y ait eu de crypte à l'origine: la première qui soit mentionnée ne remonte qu'aux années 1073-1074. La plan de l'abbatiale, tel qu'on le connaît au bas Moyen Age, remonte essentiellement au 11e siècle, et suit le modèle Cluny III.

 

Le contexte de construction des premières abbatiales a pu être en partie restitué par la fouille du jardin de l'abbaye, en 1972 et 1973. L’ensemble des structures relatives au haut Moyen Age -dont les structures du four à chaux- a été recouvert par une couche de 10 à 15 cm d’épaisseur(A), de couleur gris foncé à noir, qui suit la courbe naturelle du terrain et qui contenait de nombreux fragments de charbon de bois et d’os, des fragments de pierre de Tournai, de tuiles, de mortier de chaux, de coquillages (moules…) et même de peinture murale. La céramique mise au jour remonterait, d’après une interprération datant de l’époque des fouilles, à la fin du 9e siècle. Ce mobilier est en majorité façonné à la main. Certaines céramiques sont davantage soignées, faites au tour, avec un dégraissant volcanique; elles proviendraient dès lors de l'Eiffel. Elles sont parfois décorées de simples lignes, et parfois peintes en rouge/brun, ce qui les a fait rappocher des productions peintes du Nord de la France. Aucun fragment de céramique estampillée n'est signalé, pas plus que de la céramique de Pingsdorf, mais par contre on note la présence de céramique à dégraissant coquillerà côté de céramique grise commune Enfin, la présence de nombreux fragments calcinés indiquerait un incendie, qui pourrait correspondre aux destructions normandes des années de 879-881.

 

Sous cette couche A, les éléments les plus intéressants découverts sont les trois fours à chaux et d’autres cavités associées, mis au jour au nord-est et au sud-ouest du terrain de fouilles. Ces attributions sont appuyées par les couches importantes de chaux et les nombreuses traces d’incendie avoisinant des cavités plus ou moins circulaires, parfois encadrées de massifs de maçonnerie en pierre calcaire de Tournai. A proximité, on a aussi trouvé 3 fosses et 9 trous de poteaux, d’un diamètre de 20 cm, appartenant probablement à une ou plusieurs huttes en bois. Les fragments de matériaux de construction fossiles pourraient appartenir à l’église carolingienne. Il semble en tous cas, malgré la découverte de matériel romain et mérovingien, qu’aucune structure ne soit antérieure au 9e siècle.

 

La taille du complexe, le nombre de fours à chaux et la diversité du matériel découverts, indiquent la présence d’un chantier de construction important, qu’on peut sans trop de risques associer aux remaniements du début du 9e siècle, à l’époque où Eginhard devint abbé de Saint-Pierre (815 - ). Le site de l’abbaye est en tous cas en partie ruiné lors du passsage des Normands, en 879, et complètement recouvert par la couche A. Resterait alors à identifier l’église carolingienne sous le bâtiment actuel, et confronter la chronologie ainsi établie aux découvertes de 1972-1973. Quoi qu’il en soit, les fours à chaux prouvent l’existence d’édifices en pierre à Gand au début du 9e siècle, et par la provenance du matériau utilisé -la pierre de Tournai-, attestent d’échanges économiques entre les deux villes scaldéennes.

 

P. Raveschot mentionne la découverte, dans le jardin de Saint-Pierre en 1974 ainsi qu'à Saint-Bavon en 1978-1979, de 5 fragments de céramique glaçurée tout à fait exceptionnels. Il les identifie comme étant des tessons de production chinoise, de la dynastie Tang (618-906), fabriquée essentiellement dans la province côtière de Chekiang. Du mobilier de ce type circulait couramment à Bagdad, dans le monde persique et le nord-est de l'Afrique. L'empire carolingien a importé d'Orient plusieurs de ces produits de luxe, via les marchands juifs et la péninsule italienne (Pavie) notamment. Evidemment, une hypothèse séduisante est que la présence de tels fragments à Gand, aussi bien à Saint-Bavon qu'à Saint-Pierre, pourrait s'expliquer par l'abbatiat d'Eginhard, qui était également abbé de Pavie et avait donc eu l'occasion de voir circuler ce genre de marchandises.

 

Enfin, les couches surmontant le niveau A sont relativement stériles; à peine quelques fragments de tuiles, de pierres et de mortier de chaux y ont été découverts. Entre la fin du 9e siècle et la construction de l’église romane, cette zone est restée vierge de toute construction, malgré les remaniements probables opérés à l’abbatiale suite aux destructions normandes.

 

D.

Baillieul et alii, p. 85-138; Raveschot 1978; Raveschot 1979; Raveschot 1980; Raveschot 1989; Laleman 2000.

 

Gd 2: Réfectoire de l'abbaye Saint-Pierre au Mont Blandin

 

A.

Localisation et dates: En 1995, à l'occasion d'un projet de restauration de l'ancien réfectoire de l'abbaye de Saint-Pierre, une fouille archéologique a été menée à cet endroit.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Par opposition à la fouille du jardin de l'abbaye Saint-Pierre, la plus anciennne structure mise au jour dans ce secteur est celle du réfectoire, construit -d'après les techniques mises en œuvre- entre le 10e et le 12e siècle. Il semble donc qu'à l'occasion de cette construction, l'ensemble du site ait été nivelé, détruisant les éventuelles structures antérieures.

 

Le réfectoire découvert était plus petit que le bâtiment actuel, et était construit intégralement en pierre de Tournai. La grande salle, mi-enterrée, était divisée en travées par une rangée de piliers rectangulaires, reliés dans le sens longitudinal par des arcs en plein cintre. Le plafond était en bois. L'éclairage était assuré par de petites fenêtres aménagées dans le mur nord, filtrant la lumière provenant du cloître; au sud, on trouvait une large ouverture en guise de porte et de hautes fenêtres; à l'est, une porte qui donnait accès au secteur oriental de l'abbaye. Deux portes avec escalier permetaient d'accéder à la galerie méridionale du cloître On n'a pas retrouvé le niveau de sol associé à cette structure primitive.

 

D.

Laleman et Stoops 1996A

 

Gd 3: Volderstraat

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1979 au croisement de la Volderstraat et la Korte Meer, entre le Kalandenberg et la Lys.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: -

 

C.

Epoque carolingienne: Une couche de terres noires a été traversée lors de travaux de canalisations, laquelle contenait principalement de la céramique cuite en atmosphère réductrice, et de la céramique précoce à cuisson oxydante. Des fragments de type Pingsdorf et d'Andenne ont été identifiés, amenant les fouilleurs à dater cette couche entre le 10e et le 14e siècle.

 

D.

Anonyme 1979B

 

Gd 4: Rue Hooiaard

 

A.

Localisation et dates: Fouille de sauvetage menée en 1999 par le service communal d'archéologie, à la Rue Hooiaard, dans le centre de Gand, sur la rive droite de la Lys.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Sous le niveau d'une rue empierrée du bas Moyen Age, découverte d'une épaisse couche terreuse sombre, se muant à 4,40 m sous le niveau actuel en une couche sablonneuse. Cet ensemble était riche en matériel organique, comme du bois, du cuir, des os, des restes de poissons, de plantes, des graines et des fruits, des coquilles et des élements métalliques. La composition de cette couche est identique à celle de la couche noire de l'Emile Braunplein, si ce n'est qu'à la Rue Hooiaard, il s'agit plus vraisemblablement d'une combinaison d'alluvions de la Lys, riches en vase, et de restes d'activités humaines.

Aucune datation précise n'a été avancée jusqu'à présent, mais la stratigraphie tend à prouver que cette couche est antérieure au 12e siècle.

 

D.

Laleman et Stoops 2000

 

Gd 5: Emile Braunplein

 

A.

Localisation et dates: Les nombreuses fouilles archéologiques réalisées à Gand depuis trente ans ont mis à plusieurs reprises en évidence l'existence d'une couche de terres noires (Zwarte laag), directement sous les niveaux d'occupation de l'agglomération du bas Moyen Age.

En 1996, à la suite de nouvelles découvertes importantes de ce type à l'Emile Braunplein, près de l'actuelle église Saint-Nicolas, les archéologues ont lancé un projet de recherches sur le sujet. L'objectif était de déterminer avec précision la composition organique de cette couche et surtout d'en déterminer l'origine.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La couche de terres noires repose directement, à l'Emile Braunplein, sur le sol en place; il n'y a pas de trace d'occupation antérieure à la formation de ce dépôt.

 

Les caractéristiques de ces terres noires sont bien entendu sa couleur, mais également son épaisseur importante -1,5 m à l'Emile Braunplein-, l'absence de stratigraphie claire. Du point de vue de sa composition, elles sont riches en éléments organiques (bois, plantes, os, cuir) mais comparativement pauvres en matériel céramique, et enfin ne contiennent pratiquement aucun reste de construction.

 

Une équipe pluridisciplinaire de recherche a ainsi été constituée. Sur l'origine de la couche, 3 hypothèses de départ ont été retenues: il s'agirait soit d'une couche de terre amenée là délibérément pour rehausser le niveau urbain, soit d'une couche résultant du rejet progressif d'activités domestiques, soit enfin l'œuvre des cours d'eau jouxtant l'agglomération, qui au fil des modifications de leur tracé, y auraient déposé des sédiments.

 

Finalement, aucune réponse catégorique n'a pu être apportée. En terme de chronologie, le terminus ante quem du 12e siècle doit être retenu: cela correspond à la construction des premières maisons en pierre à l'Emile Braunplein. D'après les quelques fragments de céramique, un terminus post quem du 10e siècle est le plus probable. En ce qui concerne l'origine des terres noires, sa composition indique qu'il s'agit vraisemblablement de déchets de consommation d'une agglomération dans laquelle le recyclage a joué un rôle très important. Ce qui est caractéristique, dans l'état actuel des connaissances, c'est que les emplacements de découverte de terres noires se situent en dehors du centre supposé de l'agglommération proto-urbaine, comme le suggèrent les fouilles de la Botermarkt et de la Goudenleeuwplein. Les Gantois auraient donc été soucieux de rejeter leurs déchets à l'extérieur des zones d'habitat.

 

Enfin, il faut signaler la présence de deux niveaux de circulation, qui surmontent la couche de terres noires; il s'agit de fragments de la couverture en bois d'une route médiévale, orientée est-ouest. Ces structures correspondent aux découvertes faites dans la castrum d'Anvers, mais sortent du cadre chronologique qui est le nôtre.

 

D.

Laleman et Stoops 1996B; Ervynck, Laleman et alii 1999.

 

Gd 6: Korenmarkt

 

A.

Localisation et dates: Fouille de 1998, à la Korenmarkt, sur la rive droite de la Lys.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne:

 

C.

Epoque carolingienne: L'intérêt de la fouille de la Korenmarkt est de connaître l'étendue de l'agglomération gantoise à l'époque carolingienne. En effet, les historiens associent l'occupation de cette portion du méandre de la Lys avec la deuxième phase de développement de Gand, au milieu du 10e siècle, en direction de la Lys.

En réalité, les résultats ont été minimes: les niveaux les plus anciens ont révélé quelques pieux de bois noyés dans une couche organique, et différents types de plantes utilisées, vraisemblablement employés comme colorants naturels pour l'activité textile. Il s'agirait d'un des plus anciens témoignages de cette industrie sur les bords de la Lys à Gand. Les structures mises au jour ne sont malheureusement pas datées dans la publication disponible.

 

D.

Laleman et Stoops 1999.

 

Gd 7: Botermarkt

 

A.

Localisation et dates: La Botermarkt a fait l'objet d'une fouille approfondie en 1997. Cette place est située au sommet de la colline sablonneuse du Zandberg, le point le plus élevé à la confluence de la Lys et de l'Escaut, en dehors du périmètre supposé du portus carolingien.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: Une tombe à incinération, à reste de foyer, a été datée des environs de 100 après J.C. ; elle témoignerait d'une occupation gallo-romaine de ce méandre de la Lys.

 

Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Surmontant et recoupant en partie la tombe gallo-romaine à restes de foyer, une épaisse couche de terre noirâtre recouvre le tout entre la fin du 9e et la fin du 12e siècles. Cette couche a elle-même été perturbée ultérieurement par l'aménagement d'un édifice en bois. L'origine de cet amoncelement de déchets organiques a été débatue dans le cadre du projet "Zwaarte Laag" (Voir ci-dessus, pour l'Emile Braunplein): il s'agirait de rebus de consommation des habitants du portus.

 

D.

Laleman, Stoops et Vermeiren 1998.

 

Gd 8: Goudenleeuwplein

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1996 sur la Goudenleeuwplein, à proximité de l’église Saint-Nicolas, dans la continuité de celle réalisée à l'Emile Braunplein.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La couche de terres noires mise au jour à la Goudenleeuwplein surmonte un niveau d'occupation néolithique. L'épaisseur de la couche varie de 1,10 m à 1,20 m, et présente les mêmes caractéristiques dans sa composition que celles découvertes à l'Emile Braunplein et la Botermarkt. L'endroit ne semble pas avoir été habité au haut Moyen Age; ce n'est que tardivement, au bas Moyen Age que la place est recouverte de nombreuses constructions en pierre.

 

D.

Laleman, Stoops et Vermeiren 1998.

 

Gd 9 : Gouvernementstraat 1979

 

A.

Localisation et dates: Prospection menée à plusieurs endroits de la Gouvernementstraat, à hauteur de l'Oranjeberg et la Henegauwenstraat, à l'occasion de travaux de voierie.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: La couche inférieure, sablonneuse, a elle livré deux fragments d'os, plusieurs trous de poteaux rectangulaires, et le reste d'une poutre de 8 à 10 cm de large; ces deux dernières découvertes appartenant sans doute au même bâtiment.. Cette couche contenait en outre un tesson de céramique mérovingienne, très rare dans l'agglomération gantoise.

 

C.

Epoque carolingienne: Une couche de terre noirâtre, très humide, contenant un abondant matériel céramique, a pu être datée entre le 9e et le début du 13e siècles. La majorité des fragments (200 pièces, environ 61% du matériel récolté) s'apparente à de la céramique de type Pingsdorf. Suivent de la céramique commune grise précoce, de type Badorf, à dégraissant coquiller, d'Andenne et enfin à pâte blanche. Des objets en os venaient compléter ce catalogue.

 

D.

Anonyme 1979C; Van Doorne 1979; Raveschot 1989.

 

Gd 10 : Gouvernementstraat 1987-1988

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée à l'occasion d'un chantier de construction au croisement de la Gouvernementstraat et la Borreputsteeg, ainsi qu’à la Jodenstraat, en 1987 et 1988.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: Sous le fossé carolingien, 26 fragments de matériel protohistorique et gallo-romain ont été mis au jour, essentiellement de la céramique, mais également des matériaux de construction et des restes d'activité métallurgique.

 

C.

Epoque carolingienne: Le tronçon de fossé découvert était globalement orienté, au même titre que la voierie, est-ouest. Il mesurait 14 m de large, pour plus de 3 m de profondeur, et a pu être suivi sur plus de 75 m. D'après le cadastre ancien, ce qu'avait déjà repéré A.C.F. Koch en 1960, tout indique que ce fossé décrivait un demi-cercle autour de l'église Saint-Jean (Jodenstraat, Borreputsteeg, Kalandberg, entre la Mageleinstraat et la Lange Kruisstraat, Place Saint-Bavon et enfin Nederpolder / Bosdomkaai), avant de rejoindre l'Escaut un peu en aval, protégeant une superficie d'environ 7 ha. L'altitude du fond du fossé entre 4 et 8 m au-dessus du niveau de la mer, n'a pu donc qu'être partiellement rempli d'eau.

C'est surtout le mobilier situé dans le remblai supérieur de comblement du fossé qui a permis de dater la structure: la céramique mise au jour est datable entre le 9e et le 10e siècle, alors que les résultats d'analyses au C14 des différents remblais donnent une fourchette chronologique entre le 8e et le 9e siècle et la première moitié du 11e siècle. La céramique majoritaire est grise, de production locale. La céramique d'importation consiste en quelques fragments de type Pingsdorf, mais surtout de céramique peinte rouge, peut-être issue d'un atelier de production du nord de la France et enfin de céramique à dégraissant coquiller et deux tessons à pâte blanche et glaçûre jaune. Notons l'absence de céramique de type Badorf, dont plusieurs exemplaires avaient pourtant été trouvés ailleurs dans la ville. Une soixantaine de fragments d'os d'animaux ont été mis au jour, il s'agit essentiellement de déchets de consommation, à l'exception d'une pièce ouvragée plate, de forme rectangulaire et percée à une extrémité d'un orifice circulaire; celle-ci a été identifiée comme étant un jeu d'enfant(snorrebot), qui lorsqu'on la fait tournoyer au bout d'une corde, émet un sifflement caractéristique.

 

En toute hypothèse, le fossé aurait été aménagé après 800 et comblé dès la fin du 9e siècle voire le début du siècle suivant. Pour certains auteurs, la fortification gantoise est celle du portus mentionné par le Martyrologium Usuardi en 865, et est donc antérieure à cette date. Jusqu'à présent, aucune découvete substantielle n'est cependant venue étayer l'hypothèse d'un centre économique à l'intérieur du périmètre défini. Enfin, le creusement de cet ensemble défensif est peut-être lié à la présence à Gand en 851 et 879 des Normands. Des aménagements similaires se rencontrent assez fréquemment dans le nord-ouest de l'Europe à cette époque, et plus près de chez nous à Anvers, bien que dans ce dernier et cas il semble qu'on ait affaire à une structure beaucoup plus tardive (voir ci-dessous, pour Anvers).

 

D.

Laleman et Raveschot 1987A; Raveschot 1988; Raveschot 1989; Raveschot 1990A; Raveschot 1990B; Ervynck 1990; Van Strydonck 1990; Verhulst et Declercq 1990; Laleman et Stoops 1996C

 

Gd 11: Waaistraat

 

A.

Localisation et dates: Campagne de fouille menée en 1990 à la Waaistraat, à proximité de la Lys et de la Vrijdagmarkt.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Les plus anciennes traces d'occupation de cette zone du Gand médiéval sont des fosses, contenant du matériel archéologique du 10e et 11e siècles. L'ensemble du site a par la suite été occupé par des maisons en pierre de Tournai.

 

D.

Laleman et Raveschot 1991B.

 

Gd 12: Bennesteeg

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1979-1980 dans une habitation située sur le tronçon de la Bennesteeg entre Veldstraat et Sint-Niklaasstraat.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Dans une fosse, les archéologues ont mis au jour du matériel résiduel du haut Moyen Age; à savoir deux fragments de céramique Pingsdorf, un tesson de type Andenne, et un autre peint, peut-être d'importation française. La majorité (73,6%) des tessons recueillis sont de la céramique commune grise, que les archéologues datent de la fin du 13e siècle. Les autres types de céramique trouvés sortent trop largement du cadre chronologique qui est le nôtre pour être mentionnés ici.

 

D.

Van Doorne 1980; Raveschot 1989.

 

Gd 13: Kouterdreef

 

A.

Localisation et dates: Campagne de fouille menée en 1984-1985 à la Kouterdreef, non loin de la Gouvernemenstraat.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: La couche la plus ancienne, surmontant le sol en place, a livré du matériel gallo-romain (tuiles, fragments de pierre de Tournai, etc.).

 

C.

Epoque carolingienne: La couche supérieure contenait une vingtaine de fragments de céramique grise, deux fragments glaçurés rouges, deux de type Pingsdorf, un à pâte blanche à glaçure verte et enfin plusieurs fragments de tuiles.

 

D.

Raveschot 1985.

 

Gd 14: Prooststraat

 

A.

Localisation et dates: Campagne de fouilles menée en 1984-1985 au croisement de la Prooststraat et le Buitenhof, dans la maison du Gouverneur, dans le quartier Saint-Machaire.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: La couche la plus ancienne, surmontant le sol en place, a livré du matériel gallo-romain dont plusieurs trous de poteaux.

 

C.

Epoque carolingienne: Le niveau supérieur contenait du matériel du haut Moyen Age, sans davantage de précisions.

 

D.

Laleman et Raveschot 1984; Laleman 1985.

 

 

Gd 15: Poeljemarkt

 

A.

Localisation et dates: Campagne de fouilles menée en 1981 dans l'hotel de ville, Poeljemarkt, salle "Armenkamer".

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La chronique de fouille mentionne la découverte à cet endroit d'un fragment de céramique Pingsdorf, et un autre à dégraissant coquiller.

 

D.

Raveschot 1981

 

 

Gd 16: Schepenhuisstraat

 

A.

Localisation et dates: Campagne menée en 1989 à la Schepenhuisstraat, au nord de l’hôtel de ville.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La plus ancienne couche médiévale mise au jour à la schepenhuisstraat contenait de la céramique peinte rouge, vraisemblablement d'origine française, et datée du 9e au 11e siècle. L'ensemble du site a été rehaussé de plus de 2 m au 13e siècle.

 

D.

Laleman et Raveschot 1990.

 

 

Gd 17: Hogeweg

 

A.

Localisation et dates En 1988, fouille menée à la Hogeweg, sur la rive gauche de la Lys.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La campagne de fouilles menée à la Hogeweg a permis de mettre en évidence une concentration importante de trous de poteaux, appartenant à un ou plusieurs édifices en bois. Le plan d'un édifice au moins a pu être restitué; il s'agit d'un bâtiment à 5 nefs de plan carré (environ 10 m de côté), supporté en son centre par un pieu très large, et auquel on accédait probablement par un petit appenti à 4 pieux, dans un des coins de l'édifice. Dans les comptes-rendus de fouilles en 1987 et 1988, les archéologues semblent cependant dater les structures de l’Age du fer.

 

D.

Semoy J. et Van Moerkerke J., Gent (O.-Vl.). Hogeweg, dans Archeologie, 1987-1, p. 145; Vandenhoute 1988

 

Gd 18: Lange Kruisstraat-Limburgstraat

 

A.

Localisation et dates: A l'occasion de la construction d'un hôtel au coin de la Lange Kruisstraat et de la Limburgstraat, des fouilles ont été réalisées à cet endroit en 1986 et 1987. La parcelle étudiée est proche du parvis de la cathédrale Saint-Bavon, anciennement église paroissiale Saint-Jean.

Notons que des fouilles menées par F. de Smidt dans la crypte de la cathédrale en 1959 n’ont livré aucune trace de(s) église(s) antérieure(s), vraisemblablement intégralement détruites lors de la construction de l’édifice du 12e siècle.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: La couche la plus profonde contenait 6 fragments de matériel romain et un tesson de céramique grise mérovingienne.

 

C.

Epoque carolingienne: La fouille de la Lange Kruisstraat a amené des informations essentielles sur l'occupation des alentours de la première église de l'agglomération.

Un fragment de céramique du haut Moyen Age a été mis au jour dans le sol en place, vraisemblablement arrivé là par infiltration naturelle. Ce fragment présente quelques analogies avec les découvertes carolingiennes réalisées à Petegem. On trouve également 7 tessons de céramique à pâte grise, engobe jaune et peinte en rouge, contenant de nombreux grains de quartz. La céramique de Pingsdorf et à dégraissant coquiller était également représentée. Du matériel identique a été mis au jour dans la couche A du jardin de l'abbaye Saint-Pierre (voir ci-dessus), datée de la fin du 9e ou du début du 10e siècle, ainsi que sous le Gravesteen, l'abbaye Saint-Bavon, à la Karmelietenstraat, la Gouvernementstraat, la Veldstraat et la Baaisteeg. Cette céramique est en outre identique aux nombreux fragments mis au jour à Douai et Arras, et datés du 10e siècle. Un des tessons de la fosse présentait en outre un décor à la molette.

 

Dans le sol naturel, une fosse de 86 cm de profondeur a été creusée à une époque indéterminée. Le remblai qui la comble a livré de nombreux fragments de construction romains, mais également des tessons de céramique d'importation identiques au précédents (production du nord de la France), un tesson du type Pingsdorf et un autre à dégraissant coquiller, identique aux découvertes de Bruges, Petegem et de la couche A du jardin de l'abbaye Saint-Pierre de Gand. Le comblement de la fosse a donc dû survenir à partir de la seconde moitié du 9e siècle.

 

La fosse est en partie perturbée par le creusement d'un fossé de 30 cm de profondeur. Ce dernier contenait du matériel romain et à nouveau plusieurs fragments de céramique carolingienne, dont des éléments semblables à des productions de la vallée mosane, plus particulièrement de Huy et Maastricht, du nord de la France, de type Pingsdorf et enfin de la céramique grise commune, présente en majorité. Aucune céramique glaçurée n'est signalée. La datation la plus probable pour le comblement du fossé est le 10e ou le 11e siècle.

 

D.

De Smidt 1962; Raveschot 1986A; Raveschot 1987; Laleman et Raveschot 1987B; Raveschot 1989.

 

Gd 19: Veldstraat

 

A.

Localisation et dates: Fouille de 1986 à l'emplacement d'un ancien cinéma, Veldstraat, entre le Zandberg et la Lys.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Dans le sol en place se trouvait notamment un fragment du bord d'un pot orange-beige, à noyau gris et peint en rouge-brun, vraisemblablement issu d'un atelier de production du nord de la France. A plusieurs endroits se trouvaient également des fosses avec de la céramique grise, de Pingsdorf et d'Andenne. Le tout est généralement daté du 10e siècle.

 

D.

Raveschot 1986B; Raveschot 1989.

 

Gd 20: Kammerstraat

 

A.

Localisation et dates: Fouille de 1984 dans le jardin d'une maison sise Kammerstraat, au sud de l’église Saint-Jacques.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La fouille a permis la découverte de céramique Pingsdorf et d'Andenne. Le compte rendu d'Archaeologia mediaevalis mentionne également des trouvailles du même type à la Baaisteeg, Hoornstraat, Jan Van Stopenberghestraat, Kouterdreef, Mageleinstraat, Sint-Kwintenberg et Veldstraat.

 

D.

Laleman et Raveschot 1985.

 

Gd 21: Baaisteeg

 

A.

Localisation et dates: Fouille de 1984 à la Baaisteeg, sur le flanc nord-est du Zandberg.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La fouille a permis la découverte de céramique peinte rouge (origine française?), et des fragemnst de type Pingsdorf, mais surtout de céramique commune grise, dans une couche suivant la courbe naturelle du terrain en place. Cette couche surmonte un niveau stérile, lui-même une couche sablonneuse, qui a livré du matériel préhistorique, mais aucun mobilier gallo-romain, mérovingien ou directement carolingien.

 

D.

Laleman et Raveschot 1985; Raveschot 1989.

 

Gd 22: Vrijdagmarkt

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1980-1981, préalablement à l'aménagement d'un parking souterrain Vridagmarkt. Les recherches ont été concentrées principalement au nord de la place.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne : /

 

C.

Epoque carolingienne: En dépit de l'aspect laconique des publications disponibles, il apparaît que la couche la plus ancienne d'occupation à cet endroit n'est pas antérieure au 11e siècle, du moins d'après la chronologie avancée par leurs auteurs. De cette époque, de très nombreuses traces d'habitat ont été repérées. Il s'agit d'édifices en bois sur poteaux, lesquels sont le plus souvent fichés directement dans le sol en place, mais également quelques fondations en pierre. Ce niveau d'occupation est recouvert d'une couche noirâtre, datée du 12e au 14e siècle. D'après la céramique qui s'y trouvait?

 

D.

Laleman et Van de Walle 1981.

 

Gd 23: Eglise abbatiale de Saint-Bavon et alentours

 

A.

Localisation et dates: Des sondages ont été réalisés à l'abbaye Saint-Bavon dès les années '30, notamment par J. Maertens de Noordhout. Les premieres fouilles approfondies à l'intérieur de l'abbatiale se sont déroulées sous la direction de F. De Smidt dans les années '40. Ces prospections doivent être complétées par celle réalisée en 1982 dans les jardins de l'abbaye. Enfin, on signale la même année une fouille de sauvetage, menée sous l'ancienne brasserie de l'abbaye (Buitenhof).

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: Les plus anciens objets découverts sont en silex, mais il s’agit surtout de matériel céramique, remontant à la période gallo-romaine, sous l'abbatiale même, mais également dans les environs (jardins, Buitenhof).

 

Epoque mérovingienne: On ne sait rien des bâtiments monastiques primitifs du 7e siècle. Sans doute s'agissait-il alors d'édifices en bois, à l'image des structures mises au jour à Wandignies-Hamage. Il y a véritablement un vide archéologique entre les couches gallo-romaines et les premières structures carolingiennes.

 

C.

Epoque carolingienne: Les fouilles de De Smidt ont révélé la nature de l'abbatiale carolingienne de Saint-Bavon. Il s'agit d'un édifice de plan basilical, à trois nefs, construit en calcaire tournaisien et possédant un sol à mortier de chaux. On attribue généralement à Eginhard (775-854), abbée laïque de Saint-Bavon et de Blandinium au début du 9e siècle, la construction de cette église. L'ampleur du bâtiment pourrait s'expliquer également par la présence de la tombe de Bavon à proximité, et du culte qui s'ensuivit. Il faut également mentionner la découverte fortuite d'un chapiteau carolingien à proximité de l'abbatiale, à la Sint-Machariusstraat (voir ci-dessous).

L'ensemble carolingien semble avoir été détruit par un incendie vers le milieu du 9e siècle, qu'on impute au passage des Normands à Gand en 851. Au milieu du 10e siècle, avec le retour des moines à Saint-Bavon (946) et la restauration du monastère, on entreprend la construction d'une nouvelle abbatiale. Certains vestiges en sont encore visibles aujourd'hui. L'église abbatiale comprenait un Westbau massif, une église basse à cinq nefs, alternant colonnes et piliers. Un transept oriental et un chœur à chevet plat, surmontant une petite crypte, ponctuaient le tout. Le matériau de base était la pierre de Tournai, en partie récupérée dans des édifices antérieurs. La construction, entamée vers 980, se poursuivit jusqu'au 12e siècle. En 1138, on reconstruisait la partie occidentale; en 1148, une nouvelle crypte à cinq nefs vint remplacer la précédente. Le cloître et les bâtiments claustraux se trouvaient -fait rare-, au nord de l'abbatiale: certains éléments des 10e-12e siècles sont encore visibles dans l'aile occidentale.

 

Des couches du haut Moyen Age ont été traversées par les fouilleurs lors de la campagne de 1982 dans le jardin de l’abbaye. De la céramique d’Andenne et des fragments de production commune grise ont notamment été découverts. Des tessons de même nature ont été retrouvés dans une couche sablonneuse grise, sous l'ancienne brasserie de l'abbaye.

 

D.

F. de Smidt, Opgravingen in de Sint-Baafsabdij te Gent. De abdijkerk, Gand, 1956 (non consulté);

Maertens de Noordhout 1939; Raveschot et Van de Walle 1982; Laleman et Van de Walle 1983; Laleman 2000.

 

Gd 24: Sint-Machariusstraat

 

A.

Localisation et dates: Découverte fortuite lors de travaux de terrassement dans le jardin d'une maison située Sint-Machariustraat, n°5, en 1978.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: La découverte consiste en un chapiteau en pierre blanche calcaire, de 11,5 cm de haut, de 16 cm de côté en haut pour un diamètre de 8,5 cm en bas. Il s'agit d'un chapiteau d'inspiration ionique, à volutes, décoré d'oves et de palmettes. La taille de la pièce suggère qu'elle faisait sans doute partie d'une structure porteuse mineure (baldaquin, chancel, petite colonnade, etc). D'un point de vue stylistique, le chapiteau présente quelques similitudes avec ceux encore en place à Lorsch (vers 790) et Saint-Michel de Fulda (820-822). Chronologiquement, il est donc tentant de rapprocher l'exemplaire de Gand avec la présence à Saint-Bavon et à Saint-Pierre d'Eginhard au début du 9e siècle, Eginhard qu'on savait féru d'Antiquité et fort instruit des théories de Vitruve en matière d'architecture. De là à faire du chapiteau de la Sint-Machariusstraat un témoin de l'abbatiale carolingienne ravagée plus tard par les Normands, il n'y a qu'un pas, que certains oseront peut-être franchir.

 

D.

Laleman 1979

 

Gd 25: Nieuwe Beestenmarkt

 

A.

Localisation et dates: Les premiers sondages du service d'archéologie de Gand dans le quartier Saint-Machaire ont été menés en 1978 et 1979. Malheureusement, ces fouilles n'ont fait l'objet que de publications succinctes. En 1991, à l'occasion d'un important chantier immobilier, les investigations ont été concentrées à la Nieuwe Beestenmarkt. L'endroit est situé à proximité du confluent de la Lys et de l'Escaut, sur la rive gauche du fleuve. La zone était occupée précédemment par l'abbaye Saint-Bavon; elle fut transformée au 16e siècle en un site militaire par les Espagnols et est aujourd'hui connue comme le quartier Saint-Machaire (Sint-Macharius wijk). Des sondages avaient été réalisés dès 1978, mais sans déboucher sur une publication exhaustive. En 1999, le matériel du puits mérovingien a été analysé de manière approfondie.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: Le quartier Saint-Machaire est occupé dès l'époque romaine; en témoignent diverses découvertes de matériel de cette période, un peu partout sur le site, en 1979 et en 1991. Des restes de constructions ont également pu être identifiés en 1979, dans la zone où s'implantera plus tard l'abbaye Saint-Bavon.

 

Epoque mérovingienne: Pour la période mérovingienne, la découverte la plus importante est celle d'un puits, mis au jour à l'extérieur du chœur de la petite église paroissiale de Saint-Bavon. La structure, recoupée par les fondations de l'église, est en bois, de forme quadrangulaire, plongeant à plus de 5,15 m d'altitude et dont la partie supérieure atteint les 7,30 m. Ce dernier niveau correspond à l'altitude moyenne des structures du haut Moyen Age de son environnement.

On peut distinguer trois phases stratigraphiques: le sol dans lequel prend place le puits (C), le contexte contemporain de son utilisation (B) et enfin sa destruction partielle et son comblement (A). C'est surtout ce dernier contexte qui a livré du matériel organique et céramique. En terme de chronologie, le creusement du puits est réalisé dans un substrat mérovingien; son comblement est survenu au cours du 8e siècle, en témoigne notamment la découverte d'une petite fibule ansée symétrique.

Des centaines de restes d'animaux ont été mis au jour. On notera la présence de nombreux fragments de crustacés (principalement des moules, mais aussi des coques, huitres et bigorneaux) et de poissons, d'eau douce comme marins. Pour l'essentiel, les restes appartiennent à des poules, des bœufs, des chèvres/moutons, et surtout des porcs.

Malheureusement, le puits n'a pu être mis en relation avec aucune structure d'habitat. La proximité avec l'abbaye Saint-Bavon, établie à cet endroit à la fin du 7e siècle, pourrait cependant justifier la diversité du régime alimentaire des habitants concernés. Il ne fait cependant aucun doute que le quartier était bien habité avant le début du 8e siècle, par une population aisée, commerçant avec l'intérieur du pays et la côte.

 

C.

Epoque carolingienne: Le puits de la période mérovingienne a été recoupé par le mur de fondation du chœur de l'église paroissiale de Saint-Bavon -à ne pas confondra avec l'abbatiale-, à une époque indéterminée. De l'éventuelle église primitive -en bois?-, les archéologues n'ont pu identifier que quelques fragments de plâtrage. Sous une couche de mortier, dans le chœur de l'église suivante, ont également été découverts trois de poteaux de faible profondeur, mais leur relation avec l'édifice religieux est indéterminée.

La première église attestée est en pierre de Tournai. Elle présente un plan basilical à trois nefs, ponctué d'un chœur carré, à chevet plat, de 4,50 m de côté. Les fondations de cet édifice, épaisses de 70 cm à 1 m, s'appuient en partie sur le terrain naturel. En élévation, on ne conserve qu'une portion de maçonnerie en arêtes de poisson; cette technique se retrouve dans l'abbatiale inférieure de Saint-Bavon, qui date de la première moitié du 11e siècle. Quant au plus ancien niveau de sol, il consiste en un mortier de chaux blanc, sur un radier de pierres concassées. Ces différents éléments permettent de dater la construction de la première église paroissiale au 11e ou au siècle suivant. Des réfections ont ensuite été opérées jusqu'à la destruction de l'édifice et la réorganisation complète de la zone au 16e siècle.

 

En 1978, la fouille réalisée dans le quartier permit de constater la présence, à 80 cm du niveau de sol actuel, d'une couche noirâtre, de 40 à 80 cm d'épaisseur, et découverte sur plus de 70% de la surface sondée. Cette couche, surmontant un niveau d'occupation gallo-romain, renfermait deux grandes fosses, lesquelles ont livré un abondant matériel céramique du haut Moyen Age, dont de la céramique peinte rouge, peut-être d'importation française. C'est sans doute là qu'ont été mis au jour les fragments exceptionnels de céramique glacurée de production chinoise (voir ci-dessus, pour le site du jardin de Saint-Pierre où du mobilier similaire a été retrouvé).

 

D'une manière générale, les fouilles de 1978/1979 et de 1991 attestent de l'occupation du village autour de l'abbaye dès le 11e siècle, à tout le moins à des fins d'activités artisanales. On sait par exemple, grâce aux nombreuses scories mises au jour, qu'une activité de ferronnerie y prit place aux 11e et 12e siècles.

 

D.

Van de Walle 1979; Van de Walle 1980; Raveschot 1989; Laleman, Meganck et Raveschot 1991; Laleman et Raveschot 1991A; Raveschot 1992; Van Bellingen 1992; Laleman et Raveschot 1992; Ervynck et Van Neer 1999.

 

Gd 26: Sint-Machariuswijk

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1978-1979 sur le terrain jouxtant l'église Saint-Machaire, à l'est de celle-ci. Plusieurs niveaux d'édifices ayant fait partie des casernes et auparavant de l'abbaye Saint-Bavon ont été traversés.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: Du matériel gallo-romain a pu être retrouvé en abondance dans les couches les plus anciennes explorées. A cette période appartenait aussi un bâtiment sur poteaux rectangulaire, associé à un fossé.

 

Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Les plus anciens murs en pierre découverts dans le secteur pourraient appartenir au complexe abbatial du 10e siècle. La publication mentionne en outre un abondant matériel du haut Moyen Age, sans davantage de précisions.

 

D.

Anonyme 1979A.

 

Gd 27: Gravesteen

 

A.

Localisation et dates: Les premiers sondages réalisés dans le château des Comtes de Flandres, à l'angle de la Lieve et de la Lys, remontent aux années 1951-1954. Des fouilles plus approfondies ont été menées en 1980 et 1981, dans la tour même et à l'extérieur.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: Le château a été construit sur un sol sablonneux en forte pente, vraisemblablement une berge de la Lys. Le niveau le plus ancien d'occupation, sous le donjon actuel, est une couche humifère, qui a livré du matériel gallo-romain résiduel.

 

C.

Epoque carolingienne: Un remblai de 1 m de haut, constitué de sable argileux, recouvre l'ensemble de la couche humifère. Des mottes d'herbe recouvraient le tout, ainsi que des branchages et brindilles, éventuellement destinés à en renforcer la structure. C'est dans cette couche qu'ont été mises au jour les traces du plus ancien château comtal. Onze trous de poteaux délimitent en partie une surface rectangulaire de 13 m de long pour 3,50 m de large. Surmontant cet ensemble, une couche argileuse contenait de nombreux restes de planches et de poutres. Fait caractéristique; ces éléments ligneux ont été découverts exclusivement dans le périmètre défini par les trous de poteaux, et orthogonalement par rapport aux alignements. Reste à savoir si ces planches appartiennent au bâtiment en bois primitif, ou à un édifice ultérieur. La stratigraphie ne permet pas de trancher, mais il semble bien qu'on soit en présence d'un bâtiment unique.

 

La chronologie de cet ensemble n'a pas pu être établie de manière absolue, vu la rareté du matériel archéologique datable. On sait néanmoins que le remblai est recoupé par la tranchée de fondation du premier château en pierre, dont la construction remonte au plus tôt à la fin du 11e siècle. Cette date est donc le terminus

ante quem de construction de l'édifice en bois primitif.

 

A.L.J. Van de Walle, lors des fouilles de 1951/1954, avait également découvert des éléments de bâtiments en bois, à l'extérieur au sud du donjon. L'un d'eux est une grange de 3 m sur 6,50 m, aménagée à 70 cm au-dessus du sol afin de se prémunir des rongeurs éventuels. Un fossé de 40 cm de large, renforcé de parois de vannerie, en longeait le côté sud. A côté de la grange, plusieurs annexes ont été aménagées ultérieurement? L'une d'elles, de 3 m sur 1 m, était constituée de parois planchéiées, attachées aux quatre poteaux d'angle. De nombreux autres restes ligneux témoignent d'une occupation intensive du site.

 

Reste à déterminer la chronologie de ces différentes constructions en bois. A.L.J. Van de Walle, à la suite des fouilles des années '50, avait proposé de les dater au 9e voire au siècle antérieur. Des premières analyses dendrochronologiques par P. Hoffsummer en 1983 avaient permis de fixer la date d'abbatage des chênes utilisés pour le plancher de l'édifice principal entre 959 et 964. En 1993, une nouvelle analyse sur une section de poutre découverte en 1981 a livré comme terminus post quem les années 901-902. En toute hypothèse, le premier château comtal a donc été édifié dans le courant du 10e siècle, en bordure de la Lys, sur une légère butte de terre rapportée. A cette époque, les sources (Miracula Bavonis) mentionnent effectivement un novum castellum, accosté d'une chapelle castrale, l'église de Sainte-Pharaïlde, et situé à proximité d'un quartier artisanal.

 

Enfin, durant la seconde moitié du 11e siècle, on construit le premier édifice en pierre de Tournai, d'environ 30 m sur 15 m; cette chronologie repose sur la découverte de plusieurs tessons de céramique dans les couches antérieures, dont de la céramique d'Andenne, commune grise, à gros dégraissant coquiller, à glâçure verdâtre ou rouge, et un fragment d'amphore à bandes en relief. Quant au premier niveau contemporain de la construction du donjon en pierre, 80% de la céramique qui s'y trouvait était de type Pingsdorf

 

D.

Callebaut, Raveschot et Van de Walle 1980; Callebaut, Raveschot et Van de Walle 1981; Callebaut 1983B; Raveschot 1989; Callebaut 1994, p. 102-109.

 

Gd 28: Karmelietenstraat

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1986 à la Karmelietenstraat, dans le quartier de l'Oudburg, sur la rive gauche de la Lys.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: En raison d'inondation, le sol en place n'a pu être atteint.

 

C.

Epoque carolingienne: Les plus anciennes couches fouillées ont livré de la céramique grise et peinte rouge rouge (origine française?), des types Pingsdorf et Andenne, à dégraissant coquiller, et un fragment de pot globulaire du 8e ou 9e siècle. Quatre pieux de bois ont également été découverts. La couche de terre noire à cet endroit a été repérée entre environ 5 m et 4,50 m d'altitude. Tout indique que le terrain était occupé au moins à partir du 11e siècle, soit très rapidement après l'implantation du château comtal.

 

D.

De Praetere et Cuypers 1986; Raveschot 1989.

 

Gd 29: Oudburg

 

A.

Localisation et dates: Sondage réalisé en 1982 dans le jardin d'une maison, sise Oudburg n°19.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire / Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Le plus ancien niveau d'occupation rencontré, surmontant directement le sol en place à 3,70 m sous le niveau actuel, consistait en une couche gris-bleu, contenant de la céramique grise, et divers produits d'importation (Paffrath, Andenne et Pingsdorf). Cette couche a été recoupée par la construction d'un puits à ossature de bois, probablement au 13e siècle.

 

D.

Desmet et Raveschot 1983.

 

Gd 30: Port Arthur

 

A.

Localisation et dates: Découverte en 1917 au nord-est de Gand (sud de la commune d'Oostakker), lors des travaux d'aménagement du port Arthur, d'un cimetière mérovingien. L'ensemble des résultats de fouilles a été revu, de même que le matériel exhumé, et fait l'objet d'une publication approfondie en 1972.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: /

 

Epoque mérovingienne: Les sépultures mises au jour se situaient à peine à 25 ou 30 cm de profondeur, dans une couche gris-brun, reposant sur un lit sablonneux jaunâtre. Les tombes étaient disposées de manière symétrique. La chronologie proposée, d'après le matériel céramique et le mobilier (fibules, umbo, lances, scramasaxes, garnitures de ceinture damasquinées) découverts, s'étend du début du 6e siècle à la fin du siècle suivant.

Le nombre de tombes mises au jour en 1917 n'a pu être déterminé avec précision. Elles appartenaient à une communauté aristocratique franque, vivant au centre d'un domaine agricole, que l'auteur de la publication de 1972 se propose d'identifier comme l'implantation Sloten, mentionnée par les sources anciennes.

On retiendra surtout que les environs immédiats de l'agglomération gantoise à l'époque mérovingienne étaient habités.

 

C.

Epoque carolingienne: /

 

D.

Van Bostraeten1972; Bauwens-Lesenne 1962, p. 73-74.

 

Gand: découvertes isolées

 

La publication de Raveschot 1989 mentionne la découverte, dans des couches perturbées et postérieures au 13e siècle, de plusieurs fragments de céramique peinte assez proche du type Pingsdorf, mais qui s'en différencie par la pâte feuilletée plus fragile et la présence de grains de Quartz, qui la rend rugueuse au toucher. Des découvertes isolées de ce type sont signalées sur les sites de Onderstraat, non loin de la Vismarkt, et Bisdomplein, près du château de Gérard le Diable. La datation de ces tessons s'étend du 9e au 12e siècle, avec une plus forte probabilité pour le 10e siècle.

 

Gand: Monnaies

 

Aucun atelier de frappe monétaire n'est attesté à Gand sous la dynastie mérovingienne. A la période suivante, les spécialistes distinguent l'atelier de l'abbaye de Saint-Bavon de celui de l'agglomération. Une remarque à ce sujet. L'attribution d'une frappe monétaire à Saint-Bavon, si elle est historiquement plausible, ne repose que sur les cinq lettres BAB SS d'un denier isolé, et datant de la fin du 8e siècle. En admettant son existence, n'est-on pas là en présence du même atelier que celui dénommé GANDAVUM durant la seconde moitié du 9e siècle, dont le toponyme aurait évolué avec le temps? Faut-il dès lors parler d'un glissement de l'activité monétaire de l'abbaye vers l'agglomération, conséquence directe de la destruction de Saint-Bavon lors des raids normands?

 

Denier de Charlemagne, type de 771-793/4 (1 exemplaire)

Droit: CARO/LVS en 2 lignes

Revers: BAB / hache / S S hache

Référence: Depeyrot 444

Lieu de découverte: Indéterminé

 

Denier de Charles le Chauve, type de 840-864 (1 exemplaire)

Droit: + CARLVS GRACIA DE RE monogramme

Revers: + GANDAVVM croix

Référence: Depeyrot 441, Frere 3

Lieu de découverte: Indéterminé

 

Denier de Charles le Chauve, type de 864-875 (2 exemplaires)

Droit: + GRATIA DEI REX monogramme

Revers: + GANDAVVM MONE croix

Référence: Depeyrot 442, Frere 5

Lieu de découverte: Indéterminé

 

Denier de Charles le Chauve, type de 864-875 (18 exemplaires)

Droit: + GRATIA DEI REX monogramme

Revers: + GANDAVVM croix

Référence: Depeyrot 443, Frere 4

Lieux de découverte: Zelzate (prov. Flandre Or., ar. Termonde, B.), Cosne (Cosne-Cours-sur-Loire; dép. Nièvre, ch.-l. d’ar. / Cosne-d’Allier; dép. Allier, ar. Montluçon, France), Mercurey ( dép. Saône-et-Loire, ar. Chalon-sur-Saône, Fr.), Compiègne (Oise, Fr.), Glisy (dép. Somme, ar. Amiens, Fr.), Monchy-au-Bois (dép. Pas-de-Calais, ar. Arras, Fr.), Bourgneuf (dép. Saône-et-Loire, ar. Chalon-sur-Saône, comm. Mercurey, Fr. = trésor de Mercurey? ), Domburg (prov. Zélande, P.B.)

 

Gand: Produits d'exportation

 

On ne connaît aucun produit fabriqué à Gand au haut Moyen Age et destiné à l'exportation. Une grande partie du matériel archéologique découvert, surtout en ce qui concerne la céramique, est d'importation.

 

Si l'existence d'une production céramique locale (céramique commune grise) peut être acceptée, cette dernière ne semble pas avoir dépassé le cadre de l'agglomération. Cela vaut également pour les autres artisanats ou domaines d’activité, qui paraissent confinés à une production locale, voire domestique, tels les fours à chaux du jardin de l'abbaye Saint-Pierre, les fragments de cuir ou d'os (Gouvernementstraat et Rue Hooiaard) ou les quelques témoignages d'activité métallurgique (quartier Saint-Machaire). Enfin, le commerce de la laine et son transport par voie d'eau, historiquement attesté dès le début du 11e siècle et qui semble si déterminant dans le développement de l'agglomération gantoise, ne pourra probablement jamais faire l'objet d'une justification archéologique. Signalons cependant la découverte à la Korenmarkt, sur la rive droite de la Lys, de plantes qui pourraient avoir fait office de colorants naturels et dès lors rentrer dans le cadre de l'activité textile de Gand.

 

Van de Walle 1982.

 

Gand: Topographie urbaine

 

La situation géographique privilégiée de Gand est le facteur décisif du développement de l'agglomération au haut Moyen Age. Nous ne retiendrons ici que les théories les plus récentes en la matière[342].

 

L'élément déterminant l'implantation humaine à Gand est -comme l'indique l’étymologie même du lieu- la confluence de la Lys et de l'Escaut, deux cours d'eau navigables. Cette situation privilégiée a été exploitée dès la préhistoire et à la période romaine et, semble-t-il, sans discontinuer depuis. Avant de se jeter dans l'Escaut, la Lys décrit un large méandre: les deux cours d'eau enserrent de la sorte à l'est, au nord et à l'ouest un terrain de forme trapézoïdale, d'environ 600 m de large. Au cœur de ce méandre, le terrain (6 m d'altitude au niveau des berges de l'Escaut) s'élève faiblement vers deux légères éminences sablonneuses (Zandberg, 12 m d'altitude et Kouter, 11 m). C'est là que se situe le centre de l'agglomération carolingienne, c'est-à-dire en un endroit suffisamment proche de l'Escaut pour bénéficier des avantages économiques du fleuve, mais suffisamment élevé pour se prémunir de ses crues éventuelles. Il est significatif à ce sujet de mentionner que la partie la plus septentrionale du méandre de la Lys, au nord du Zandberg et la plus proche du confluent, ne semble pas avoir été habitée à l'origine: cette zone inhospitalière était encore au bas Moyen Age parcourue de nombreux canaux. Enfin, notre connaissance du parcours de la Lys comme de l'Escaut ne repose que sur des plans de la fin du Moyen Age, à une époque où le tracé des deux cours d'eau était en partie "pétrifié" par la densité de l'habitat: la situation à la période carolingienne était donc peut-être sensiblement différente.

 

Le niveau de développement de l'agglomération mérovingienne est attesté, de manière indirecte, par l'implantation, dans le courant du 7e siècle, de deux abbayes à sa périphérie. La première est Saint-Pierre; elle prend place sur des terrains appartenant au roi Dagobert, en amont de l'agglomération, sur le versant oriental du Mont Blandin. La seconde est implantée en aval , également sur la rive gauche de l'Escaut, au lieu-dit Ganda, à la confluence de l'Escaut et de la Lys.

 

Paradoxalement -cela tient à l'inégalité des témoignages écrits-, on ne sait rien ou très peu de choses de l'agglomération elle-même. On sait le méandre habité à la période romaine, mais à la période suivante, les découvertes archéologiques sont pratiquement inexitantes, tout au plus quelques fragments de céramique mérovingienne et une nécropole attestée au nord, à Port Arthur, dont la relation avec l'agglomération est par ailleurs très hypothétique. La situation ne s'améliore pas vraiment à l'époque carolingienne, du moins en ce qui concerne les structures d'habitat, toujours pratiquement inexistantes. Une découverte importante a cependant été réalisée, à savoir le tracé d'un large fossé du 9e siècle. Ce fossé, dont deux tronçons ont été attestés archéologiquement, a pu être entièrement restitué grâce au cadastre ancien: il dessinait un demi-cercle accolé à l'Escaut, de 300 m de diamètre, et protégeant une superficie de 7 ha. Les historiens, à la suite de A.C.F. Koch et A. Verhulst, voient dans le périmètre ainsi délimité celui du portus carolingien de Gand, mentionné par le Martyrologe d'Usuard en 865.

 

Cette attribution est appuyée par la topographie religieuse: au cœur du dispositif fortifié se trouvait l'église mère de Gand, l'église Saint-Jean (aujourd'hui cathédrale Saint-Bavon), laquelle n'est cependant mentionnée pour la première fois qu'en 964. Saint-Jean est le seul édifice religieux connu de l'agglomération carolingienne. Enfin, accolé à l'Escaut, se dresse le Gerard Duivelsteen, un édifice fortifié du 13e siècle, mais qui pourrait avoir remplacé un bâtiment carolingien, contrôlant les allées et venues sur le fleuve.

 

A la fin du 9e siècle ou au début du siècle suivant, le fossé est comblé et l'agglomération s'étend rapidement vers l'ouest, en direction de la Lys. Ce mouvement est contemporain de l'implantation sur la rive gauche de la Lys, dans l'extrémité sud d'un terrain entouré d'eau, du château des Comtes de Flandres (Gravesteen). La résidence comtale, avec sa chapelle castrale (Sainte-Pharaïlde), fait dès lors face à un quartier en pleine expansion économique (Vismarkt, Korenmarkt, Vrijdagmarkt), qui s'étend même sur la rive gauche de la Lys (Overleie). Au milieu du 10e siècle, le portus a dès lors conquis l'entièreté du territoire compris entre les deux rivières. Vers 1100, l'ensemble est délimité par des fossés et probablement protégé d'une palissade en bois (Ketelvest et Houtlei), le tout ceignant un territoire d'environ 80 ha, soit plus de dix fois la superficie du portus carolingien. A la même période, à la paroisse Saint-Jean primitive sont accolées les paroisses Saint-Jacques, Saint-Nicolas puis Saint-Michel.

 

La carte de dispersion des découvertes archéologiques du haut Moyen Age réalisées à Gand (annexe, carte 5) confirme parfaitement la topographie de l’agglomération. Le quartier ayant livré le plus de matériel se situe entre la Lys et l’Escaut. Rien, par contre, n’a été mis au jour au nord du méandre, juste avant que la Lys ne se jette dans l’Escaut (Gd 17 concerne des structures de l’Age du fer); rien non plus n’a été repéré sur la rive gauche de la rivière, ou sur la rive droite du fleuve. Trois autres ensembles se distinguent nettement, à savoir; le quartier de l’Oudburg avec le Gravesteen (Gd 27-Gd 28-Gd 29), le quartier de Saint-Bavon (Sint-Machariuswijk; Gd 14 – Gd 23 à Gd 26) et enfin celui autour de l’abbaye Saint-Pierre (Gd 1-Gd 2). Malgré tout, on notera qu’en dépit des allégations des historiens, l’archéologie n’a pas vraiment à ce jour confirmé l’antiquité de l’occupation du territoire ceint par le fossé du 9e siècle, par rapport au reste de l’agglomération. Il semble plutôt qu’il y ait eu une répartition synchrone de l’habitat entre Lys et Escaut, en même temps que se développait autour des deux abbayes un bourg monastique. Plus tard, ces trois ensembles se rejoindront pour former l’agglomération du bas Moyen Age.

 

3.2.5 Anvers

 

Comme un certain nombre de villes du pays, un répertoire des trouvailles archéologiques a été dressé pour Anvers, en 1965[343]. Malgré les limites chronologiques imposées par cette entreprise -la période antérieure au 8e siècle-, certaines découvertes carolingiennes avaient déjà été signalées dans la ville. La majorité des informations que l'on détient de l'Anvers des 9e, 10e et 11 siècles repose en fait sur les fouilles réalisées par Van de Walle à l'intérieur du Burg dans les années '50[344]. Il faut ajouter à cela l'une ou l'autre trouvaille isolée récente. Les fouilles sont organisées depuis la fin des années '70 en collaboration avec l'Antwerpse vereniging voor bodem- en Grotonderzoek, qui dispose d'une section d'archéologie urbaine. Par rapport à Gand, l'information primaire sur les fouilles est plus difficile à récolter; les études isolées sont ici la norme. Pour les périodes les plus récentes, la publication de référence a été la chronique annuelle d'Archeologia Mediaevalis, ainsi que la collection Berichten en rapporten over het Antwerps bodemonderzoek en monumentenzorg dont 2 volumes ont paru (1989 et 1998).

 

Les chances d'augmenter notre connaissance de la ville à cette époque demeurent fortement hypothéquées par les travaux entrepris au siècle dernier, et qui ont vu la totalité du rivage ancien de l'Escaut rabotée, emportant avec eux toutes traces des embarcadères médiévaux et antérieurs, du moins ceux tournés directement vers l'Escaut.

 

Enfin, il apparaît au vu des résultats archéologiques que l'agglomération connaît un développement important en dehors du Burcht à partir de la seconde moitié du 11e siècle. Cet essor dépasse cependant le cadre chronologique fixé ici: nous ne traiterons donc pas des découvertes réalisées au site du Stadsparking (1974- ), mais bien de celles de la Veemarkt (Anv 4: 1982), ces dernières fouilles ayant révélé un habitat en bois fort comparable aux maisons mises au jour dans le Burcht, et offrent dès lors d'interessants éléments de comparaison.

 

Anv 1: Burcht

 

A.

Localisation et dates: En 1887, G. Wittenvronghel, inspecteur des travaux de la ville d’Anvers, avait dessiné en coupe un rempart de terre au nord du Burcht. A l’époque, on avait déjà rasé tous les bâtiments situés à proximité des quais, à l’exception du Steen, et excavé le sol sur plus de 4 m, détruisant toutes les structures tardo-médiévales. Notre connaissance de la fortification n’a avancé de manière décisive qu’avec les fouilles que mena A.L.J. Van de Walle entre 1952 et 1961 à trois endroits différents: au Steen même (1952-1953), à la Besaenhuis un peu plus au nord (1955-1957) et enfin sous l’ancienne église Saint-Walburge (1957-1961). Les résultats de ces trois campagnes ont été réinterprétés en 1988 gràce à de nouveaux sondagesréalisés par E. Warmenbol; la chronologie de construction de l'enceinte avait déjà été remise en cause par Verhulst en 1978, puis reprise par Oost en 1982 et Callebaut en 1987. Enfin, le matériel en os récolté par Van de Walle a été récemment analysé par A. Ervynck.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: les fouilles de A. Van de Walle ont permis presque systématiquement d'identifier du matériel gallo-romain sous les niveaux d'occupation du haut Moyen Age. Aucun mobilier mérovingien n'a cependant été découvert.

 

C.

Epoque carolingienne: La première campagne de A. Van de Walle, dans l'enceinte et à l'extérieur du Steen du début du 13e siècle, permit la découverte de la fortification ayant précédé la construction du rempart en pierre. Il s'agit d'une structure en terre et bois, de 11 m de large à la base et haute de 6 m environ. La surface protégée couvrirait, à en croire la découverte d'un tronçon de fossé à la Zakstraat en 1887, environ 2,8 ha. L'archéologue a distingué trois phases de construction. Seule la première nous intéresse ici; elle correspond au creusement du fossé -en partie dans un canal naturel-, à l'érection de la levée de terre et la construction d'une palissade en bois, et remonterait d'après la céramique découverte (Pingsdorf précoce) au milieu du 9e siècle. Cette chronologie s'appuie également sur une comparaison avec des fortifications d'un type équivalent découvertes en Scandinavie, et qui présentent une forme semi-circulaire, ouverte comme à Anvers du côté de la voie d'eau, quoique cette dernière affirmation soit sujette à caution.

 

Durant la seconde campagne, au nord du castrum, les fouilleurs ont mis en évidence quatre niveaux d'occupation antérieurs à 1225, le plus ancien (niveau 1) contenant de la céramique gallo-romaine. Les 3 niveaux suivants surmontent une couche de remblai vide de tout mobilier. Ces niveaux contenaient plusieurs traces d'habitats en bois, organisés en parcellaire étroit le long d'une voie, planchéiée tardivement. Au niveau 2, deux édifices ont été mis au jour, à 3,10 m sous le niveau de la rue. L'un d'eux est un édifice en bois sur poteaux, de 4,50 m de large pour 9 m de long, avec le plus petit côté percé d'une porte et à front de rue. Les murs reposaient sur un sommier de bois, dans lequel s'insérait la structure porteuse, en grande partie composée de matériel de récupération. Cet édifice, ainsi qu'un autre accolé au sud, étaient en relation avec du matériel identique à celui découvert dans le premier niveau du Steen, et daterait donc du milieu du 9e siècle. Ces bâtiments semblent avoir été détruits par incendie. A la période suivante (niveau 3), trois édifices ont été identifiés. Il s'agit de bâtiments sur poteaux en tous points identiques aux précédents, si ce n'est leur mode de construction plus soigné et leurs dimensions plus importantes: 6,50/8 m x 13/14 m. Deux édifices sont mononef, organisés en une grande salle à front de rue et des petites annexes dans le fond. La plus grande habitation présente trois nefs, mais une salle unique. La céramique découverte (Pingsdorf) correspond d'après les publications disponibles au matériel exhumé sur le site d'Ename, et remontant à la période 976-1063. Enfin, le niveau le plus récent (niveau 4) a également révélé plusieurs structures en bois, mais qui sortent du cadre chronologique fixé ici.

 

La dernière campagne de fouilles a eu lieu sous l'ancienne église Saint-Walburge, dont la construction -pour les parties les plus anciennes- remonterait au début du 12e siècle. Les fondations du chœur de l'église ont recoupé 5 niveaux, dont quatre médiévaux et qui, en relation avec le matériel céramique, s'échelonnent du milieu du 9e siècle au début du 12e siècle. Au niveau 2 (2,90 m sous le niveau de la rue), un premier édifice en bois, assez mal conservé, avait déjà pu être identifié. Au niveau suivant, à 2,60 m, la couche contenait de nombreuses traces de bâtiments d'une superficie avoisinant les 20 m², comprenant une grande salle unique ainsi que plusieurs petites dans le fond. Ces édifices disposaient d'un foyer. Au niveau 4, un grand édifice rectangulaire de 7 m sur 16 m correspond aux constructions de Besaenhuis. Un fragment de voierie en bois est associé à cet édifice. Chronologiquement, ce niveau 4 pourrait dater du 11e siècle.

 

D'après A.L.J. Van de Walle, l'origine des premières constructions en bois et de l'enceinte primitive remonterait au milieu du 9e siècle. Récemment cependant, des voix se sont élevées pour revoir intégralement cette chronologie; Verhulst dès 1978, Oost en 1982 et 1986, Callebaut en 1987 et Warmenbol en 1988. La céramique la plus ancienne trouvée sur le site ne daterait en effet que du 10e siècle (Pingsdorf précoce). En 1982 cependant, De Mets datait plusieurs fragments découverts sous Saint-Walburge au 9e siècle: un fragment de pot globulaire à dégraissant coquiller (cat n°109) et plusieurs tessons de céramique grise commune (cat. n° 154-159), dont un très beau fragment décoré à la roulette (cat. n°157). Cette datation a été confirmée par Tys en 1998. Par contre, De Mets attribuait la totalité des tessons de type Pingsdorf au 12e siècle (cat. n° 120, 121, 126-127), et un fragment de type Andenne au milieu du 11e siècle (cat. n°134). En fait, il faut reconnaître qu'en la matière, c'est le flou le plus complet. Qu'est-il par exemple advenu des tessons découverts par Van de Walle en 1952-1953 dans le niveau médiéval le plus ancien sous le Steen, que l'archéologue date de la seconde moitié du 9e siècle (?), et qu'il nomme de type "Pingsdorf précoce", et "à bandeaux en relief ", et dont apparemment il aurait découvert des exemplaires similaires sous la Besaenhuis en 1955-1957? C'est là que se trouve le fondement de sa chronologie; il s'agit en effet du mobilier qui détermine le terminus post quem de toutes les structures associées, notamment les habitations en bois.

 

Surtout, la fortification de terre du castrum serait à mettre à l'actif de Otton II à la fin du 10e siècle, lorsque celui-ci éleva Anvers au rang de chef-lieu d'une marche impériale, en même temps qu'Ename et Valenciennes. Exit donc l'hypothèse viking. Il faudrait dès lors replacer les différents niveaux d'occupation relevés par Van de Walle à l'intérieur de ce nouveau cadre chronologique, soit à partir de la fin du 10e siècle. Dans cette hypothèse, il est tentant de comparer le castrum d'Anvers à celui d'Ename, et de noter qu'à Anvers, aucun donjon, ni bâtiment administratif, ni chapelle du début du 11e siècle n'ont été repérés dans l'enceinte fortifiée. Le Steen et la chapelle Saint-Walburge auraient-ils une origine plus ancienne que le 12e siècle, dont les états postérieurs auraient fait disparaître toute trace archéologique?

 

L’analyse que réalisa A. Ervynck en 1998 porta sur l’ensemble des objets travaillés en os -88 fragments en tout- recueillis par tri manuel par A. Van de Walle entre 1952 et 1961. Le principal problème est identique à celui rencontré pour les structures d’habitat: la fourchette chronologique de ces artéfacts ne dépend que du matériel céramique découvert, lequel s’étend de la fin du 10e au 12e siècle, sans davantage de précisions. Les objets consistent en 11 peignes finement incisés, 33 ustensiles de couture ou de tissage (aiguilles, disques percés, os cylindriques à trois dents, etc.) et de nombreux os à la fonction indéterminée (os canons ouvragés, bois de cerfs). Le tout est comparable aux découvertes réalisées à Oost-Souburg aux Pays-Bas, et datées du 10e siècle. L’ensemble d’Anvers est remarquablement homogène; il apparaît notamment que tous les peignes ont été fabriqués à partir d’os de cerf. La production serait dès lors le fait d’artisans migrants, qui collectaient le matériel en parcourant l’arrière-pays avant de le travailler dans un petit centre pré-urbain, offrant de réels débouchés commerciaux.

 

D.

A.L.J. Van de Walle, De archeologische opgravingen in het oud stadscentrum te Antwerpen, dans Antwerpen, 6e année (1960), n°2, p. 48-61 (non consulté).

E. Warmenbol, Noodopgravingen aan de Burchtgracht (1988): Nieuwe gegevens over de Antwerpse Burcht. Eerste verslag dans Bulletin van de Antwerpse vereniging voor bodem- en grotdonderzoek, n°1 (1989), p. 1-23 (Non consulté).

Van de Walle 1961; Van de Walle 1968; Callebaut 1987B; Oost 1982, p. 20-23; Oost et Van Uytven 1990, p. 337; Ervynck 1998; Tys 1998

 

Anv 2: Koraalberg

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée en 1996 et 1997 au Koraalberg, dans le centre d'Anvers.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire: De nombreuses découvertes de mobilier de l'âge du fer et de la période gallo-romaine ont été faites dans les couches inférieures, parmi lesquelles quelques fosses et des trous de poteaux..

 

Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Un squelette a été mis au jour. L'analyse au C14 des os et des charbons des bois a permis de dater l'inhumation au 9e siècle. Sur base des caractéristiques du crâne, les anthropologues ont pu déterminer qu'il appartenait à un individu de sexe masculin, d'environ 25 ou 30 ans, qui avait connu dans sa jeunesse des problèmes de sous-alimentation, et plus tard de dentition.

 

L'analyse palynologique de l'environnement de la tombe à l'époque de l'ensevelissement a révélé que le terrain était de nature agricole, où dominaient les graminées et les herbes basses, mais très peu d'arbres.

 

D.

Veeckman 1997; Veeckman 1998.

 

Anv 3: Guldenberg

 

A.

Localisation et dates: Importante campagne de fouilles menée en trois étapes de 1987 à 1993 au Guldenberg, au nord du castrum ottonien et à proximité des quais de l’Escaut.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: /

 

C.

Epoque carolingienne: Une étude de 1998 a fait le point sur la céramique découverte entre autres au Guldenberg. Le matériel céramique le plus ancien consiste en des tessons gris cuits en atmosphère réductrice, à surface plus ou moins rugueuse, au dégraissant sablonneux (quartz), et daté d'entre le 10e et le 13e siècle. Il s'agit de production vraisemblablement locale, identique à celle que l'on retrouve à la même époque dans le Nord de la France, en Flandre et en Brabant. Ce type de céramique grossière présente un grand nombre de variations: cinq groupes ont été différenciés (types 1 à 5), sur base essentiellement de la rugosité de la surface et la compacité de la pâte, de la consistance et de la dispersion du dégraissant. Plus de 90% des tessons mis au jour appartenaient à des pots globulaires, dont le diamètre de l'ouverture varie entre 8 et 18,5 cm, et de contenance allant de 2 à 8 litres. Le profil de la lèvre présente également une grande diversité. Certains fragments étaient décorés à la roulette. Quelques tessons appartenaient à des céramiques de forme ouverte (5%).

La datation proposée va du 10e au 13e siècles, avec une période d'essor du 11e au 12e siècles.

 

Un deuxième groupe de céramique du haut Moyen Age (type 7) est constitué par des tessons à dégraissant calcaire, principalement des fragments de coquillages. On en retrouve également en Angleterre, dans le nord de l'Allemagne et de la France, mais ici aussi il peut s'agir de production locale. Cette céramique se caractérise par une pâte granuleuse, à inclusions irrégulières de grains calcaire de taille moyenne. Tous les tessons trouvés (12% de l'ensemble du matériel récolté) appartenaient à des pots globulaires, façonnés à la main, et d'une contenance variant de 3,5 à 4 litres. On distingue deux sous-groupes selon la taille du dégraissant calcaire: la chronologie peut varier fortement, puisqu'une fourchette allant du 8e au 12e siècle est ici permise.

 

Le troisième type (type 9) de céramique est de type Paffrath du nom d'un village situé à l'est de Cologne, réputé pour sa production à partir du début du 10e siècle. La pâte est plus ou moins compacte, à gros dégraissant de quartz réparti de manière homogène, et surtout présente parfois une structure feuilletée très caractéristique. Les formes sont plus ou moins identiques à celles des autres types de céramiques. Un fragment a été décoré d'impressions au doigt. La fourchette chronologique la plus probable pour les tessons de type Paffrath d'Anvers est le 11e ou le 12e siècle.

 

Enfin, de la céramique peinte rouge a également été mise au jour en quantité au Guldenberg (Pingsdorf), de même que de la céramique à pâte claire, peut-être d'importation mosane (Andenne), le tout étant daté du 11e ou du 12e siècle.

 

Ces céramiques ont permis de dater les structures en bois découvertes au Guldenberg. Les maisons mises au jour sont à mettre en relation avec les fouilles de Van de Walle à l’intérieur du Burg dans les années ’50. Deux maisons ont été clairement identifiées, d’une troisième on n’a retrouvé qu’un fragment de sol. Les deux constructions, plus anciennes, se caractérisent par un plan rectangulaire, de 4 m sur 5 m, et d’orientation est-ouest. Aucune trace de foyer n’a été détectée. Entre les deux maisons se trouvaient les restes d’un tonneau, à la fonction indéterminée, et au nord un puits de bois. Tout indique que ces maisons étaient bâties à l’époque de leur construction dans un environnement relativement vierge, en dehors du castrum.

 

D.

De Mets 1982, p. 53-60; Tys 1998; Veeckman 1992B.

 

Anv 4: Veemarkt

 

A.

Localisation et dates: En 1982 débuta une campagne de fouilles au sud de la Veemarkt, en dehors du castrum ottonien, à l’occasion de l’aménagement d’un parking souterrain.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: Comme les fouilles du Stadsparking et de Hoogstraat, les plus anciennes structures mises au jour à la Veemarkt remontent au 2e et 3e siècles, parmi lesquelles une fosse contenant un abondant matériel gallo-romain. Rien n’est signalé concernant la période mérovingienne.

 

C.

Epoque carolingienne: Les plus vieilles traces médiévales remontent au 11e siècle. Il s’agit de trous, de fossés et des restes de constructions en bois. Certains fossés pourraient avoir fait office de système de drainage et en tous cas permis de diviser le parcellaire. Un puits à âme de bois a également été découvert à proximité. Les plus anciennes structures sont datées du 11e siècle, d’après la céramique retrouvée en quantité sur le site (De Mets 1982, cat. n° 131). Ce matériel a été analysé à nouveau et fait l'objet en 1998 d'une étude, conjointement à celui récolté au Guldenberg.

 

D.

De Mets 1982; Oost 1983; Tys 1998.

 

Anv 5: Stadsparking

 

A.

Localisation et dates: Fouille menée à partir de 1974 sur une superficie de plus de 300 m², à l'occasion de l'aménagement d'un parking souterrain entre l'hôtel de ville et la Vleeshuis.

 

B.

Haut-Empire/ Bas-Empire/ Epoque mérovingienne: Un abondant matériel mobilier gallo-romain a été mis au jour dans les plus anciennes couches atteintes, notamment des fosses et des puits, riches en matériel céramique.

 

C.

Epoque carolingienne: Les plus anciennes structures médiévales mises au jour sur le site du Stadsparking ne sont pas antérieures à la fin du 11e siècle, voire du 12e siècle, et sortent donc du cadre chronologique fixé ici. Tys signale néanmoins que de la céramique à dégraissant coquiller pourrait être datée des 8e ou 9e siècles, à côté d'exemplaires beaucoup plus récents (céramique de type Pingsdorf et d'Andenne, 11e siècle?).

 

D.

Oost 1976; Oost 1982B; Tys 1998.

 

Anvers gallo-romain

 

Sans faire foi aux légendes locales relatives à l’origine romaine de la ville d’Anvers, de nombreuses découvertes prouvent que le site était effectivement habité à l’époque. Au Steen, plusieurs miliers d’objets ont ainsi été découverts après la seconde guerre mondiale, par A.L.J Van de Walle. Au site du Stadsparking, entre le Steen et l’hôtel de ville, les archéologues ont trouvé des structures d’habitat (trous de poteaux), des puits, des fosses et ici aussi un riche mobilier gallo-romain: os, céramique, cuir, objets en métal, pièces de monnaies, etc. Les données récoltées indiquent qu’un noyau d’habitat est venu s’implanter à Anvers vers 150 ap. J.C, jusqu’au milieu du 3e siècle. Ces gallo-romains vivaient dans des maisons en bois, et pratiquaient l’agriculture,l’élevage et plus que vraisemblablement la pêche.

 

Oost 1976; Oost 1985, p.151-153; Oost 1993.

 

Anvers: Découvertes isolées

 

Le répertoire de M Bauwens-Lesenne[345] mentionne de nombreuses découvertes de matériel mérovingien dans l’Escaut ou à proximité du fleuve, dont de la céramique biconique, de la verrerie et des armes (scramasaxes, lances). Un triens d’or du monétaire Theudegislus du 7e siècle fut mis au jour sous l’église Saint-Jean.

 

Pour la période carolingienne, on signale la découverte d’une monnaie anglo-saxonne, du roi Aethelwolf (839-858), lors de travaux aux fortifications de la ville au 19e siècle, une garniture en bronze d’époque Viking (?) trouvée en 1883 lors de travaux de dragage dans l’Escaut, et enfin deux pots en céramique grise ou noire, décorés l’un avec des empreintes de doigts, l’autre des cercles. Selon A. de Loë, ces dernières céramiques dateraient du 9e siècle.

 

Enfin, deux embarcations en bois ont été mises au jour lors de l’aménagement de docks (Albert- et Havendock) au nord d'Anvers en 1905[346]. Elles dateraient, selon G. Hasse, du 11e siècle; cette chronologie a été établie grâce à la découverte à proximité des barques de "poterie noire du 11e siècle" et de "poterie ronde en terre noire fine et légère du 11e siècle". Les embarcations étaient en chêne, la première mesurait de 8 à 10 m de long, 1,20 m à 1,30 m de large et 1 m de profondeur; le seconde était plus petite: 5,50 m de long, 1,50 m de large et 1 m de profondeur. Le mode de construction est assez rudimentaire: un fond arrondi monoxyle, deux longues planches de châque côté en guise de bordage, et les joints calfeutrés par un mélange de mousse et de sable blanc, protégés de chaque côté par une languette de bois fixée par des clous en U. La coque est renforcée par des barres verticales (membrures). A l'arrière, la planche -bordage est percée d'un orifice destiné à recevoir le gouvernail rectangulaire, retrouvé à proximité.

 

Anvers: Monnaies

 

L'existence d'un atelier de frappe monétaire sous la dynastie mérovingienne à Anvers est aujourd'hui admise, bien que reposant sur l'unique découverte à Bath d'une pièce frappée à ANDERPVS vers 630-650 par le monétaire CHRODIGISIL. A la période carolingienne, on ne trouve plus aucune trace de cet atelier.

 

Anvers: Produits d'exportation

 

On ne connaît aucun produit d'exportation fabriqué à Anvers. Les nombreux objets en os ouvragés (peignes, instruments de tissage et couture), découverts par A.L.J. Van de Walle durant les années ’50, témoignent bien d’une activité artisanale dans l’Anvers proto-urbain des 10-12e siècles, mais il est impossible de déterminer si cette fabrication a dépassé le cadre de l’agglomération.

 

Van Neer 1982; Ervynck 1998.

 

Anvers: Topographie "urbaine"

 

Depuis l’époque romaine, l’habitat a été attiré par ce rivage sablonneux et sec de l’embouchure de l’Escaut, propice à l’habitat et au développement d’activités portuaires.

 

La structure ancienne de la ville se lit encore partiellement dans le cadastre actuel, malgré le fait qu’on ait détruit plus de 100 m de quais anciens à la fin du 19e siècle. Une forme en demi-cercle se dessine en effet à hauteur du Steen, contre l’Escaut: c’est là que se situe le cœur économique, militaire et administratif de l’agglomération proto-urbaine, le centre du développement de l’Anvers médiéval. La chronologie de la fortification du site est encore malaisée, mais il semble qu’il faille attribuer à l’empereur Otton II, à la fin du 10e siècle, la mise en place de ce castrum, protégé originellement d’un fossé comblé d’eau et d’une levée de terre. Ce n’est que dans le courant du 12e siècle que l’ensemble fut ceint d’un mur de pierre. A l’intérieur, les habitations de bois étaient disposées de part et d’autre de deux rues planchéiées, se croisant à angle droit, à proximité d’une chapelle dédiée à Sainte-Walburge. Reste que l’aménagement de la fortification n’est pas antérieur au 10e siècle, et qu’aucune structure plus ancienne -si ce n’est du mobilier gallo-romain- n’a été mise au jour à cet endroit de la ville. Où donc se situe l’Anvers mérovingien et carolingien, celui qui fut évangélisé par saint Amand? Où donc se trouve le castrum mentionné par les sources écrites au début du 8e siècle, et qui aurait été détruit par les Normands en 836?

 

Face au silence des archives du sol, les historiens se proposent de localiser le centre primitif d’Anvers autour de l’ancienne église Saint-Michel, à 1 km au sud du castrum ottonien. Cette proposition repose sur le fait que Saint-Michel est la paroisse primitive de l’agglomération, de loin antérieure à Sainte-Walburge, et qui a peut-être succédé à l’église Saint-Pierre-et-Paul; c’est donc là qu'il faudrait voir le noyau d’habitat primitif. Cette hypothèse n’a malheureusement été recoupée ni par une lecture des cartes anciennes ni par l’archéologie. Au contraire même, la part la plus importante de matériel gallo-romain a été découverte dans et autour du Steen, et quasiment pas au sud de la ville[347]. La question de la continuité de l’habitat est donc à Anvers un problème important, plus que pour tous les autres portus de la vallée de l’Escaut.

 

Enfin, le développement urbain d’Anvers est beaucoup mieux connu à partir du 11e siècle. A cette date, les habitats se multiplient à l’extérieur des fossés du castrum, et l’enceinte est dès lors progressivement élargie. Le premier quartier concerné par cet essor est celui du Ruienstad, autour du Steen, où -fait caractéristique pour l’époque- s’implante un marché aux poissons (Vismarkt; cf à ce sujet les hypothèses de J. Demeulemeester). C'est là sans doute, entre castrum et place de marché, qu'il faut localiser l'emplacement du portus proto urbain, cité en 1031. Enfin, le quartier de la future cathédrale Notre-Dame, à l’est du castrum ottonien, ne sera intégré qu’au début du 13e siècle au reste de l’agglomération.

 

La carte de répartition des découvertes archéologiques à Anvers, relatives au haut Moyen Age (annexe, carte 6) est trop partielle que pour autoriser des conclusions définitives. Il n’empêche, jusqu’à présent, les plus anciennes trouvailles (9e-11e siècles) se rapportent au territoire compris à l’intérieur de l’enceinte du 12e siècle. A l’extérieur, mais néanmoins très proches du fossé, le matériel et les structures les plus vieux ne sont pas antérieurs au 11e siècle, et matérialisent alors l’extension de l’habitat, à une époque où l’espace disponible dans le castrum n’est plus suffisant. La découverte isolée d’une sépulture du 9e siècle au Korallberg ne fait que confirmer cette situation; à l’époque, cette partie d’Anvers se trouvait bien en marge de l’habitat.

 

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[322] Verslype 2001, vol. 2.

[323] Depeyrot 1993. Pour Tournai, on y joindra les ouvrages de H. Frère (Frère 1977) et de M. Hoc (Hoc 1970).

[324] Beaussart 1987. Cette contribution fait suite à un article du même auteur: Beaussart 1985.

[325] En 1999, une exposition organisée au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes faisait le bilan de dix années de fouilles au chœur de la ville. Outre le catalogue de cette exposition (Maliet 1999A), la recherche heuristique a été orientée vers la revue locale Valentiana, la Chronique des fouilles médiévales, publiée annuellement par le CNRS dans la revue Archéologie médiévale, les chroniques de fouilles du Service régional de l’archéologie, par la Direction Régionale des affaires culturelles (DRAC) du Nord / Pas-de-Calais et enfin la Carte archéologique de la Gaule sous la direction de R. Delmaire, dont le tome consacré au Nord a paru récemment.

[326] Delmaire 1996, n°606, p.419-423.

[327] Maliet 1999B.

[328] Lesenne 1981.

[329] Anderson et Groessens 1996.

[330] Rolland 1924, p. 187

[331] Pour les références à ces informations, nous renvoyons le lecteur au catalogue archéologique relatif aux différents sites mentionnés.

[332] Le plus ancien témoignage écrit de l’utilisation de la pierre de Tournai est sans doute celui de l’abbé Hariulf d’Oudenburg, qui mentionne dès avant 1084 le remploi aux 10e et 11e siècles, pour des constructions de Bruges, de la «pierre noire» utilisée jadis pour l’édification du castellum d’Oudenburg. Dès cette époque, le matériau avait acquis un renom certain dans toutes les Flandres (Nys 1993, p. 49-50).

[333] Elkhadem et Vanrie 1995, p. 83-84 et 88-89.

[334] De Meulemeester 1996, p. 371-387; De Meulemeester 1990, p. 132-134.

[335] Dury et Nazet 1983, p. 230-231.

[336] Henton 1997.

[337] Verslype 1999, p. 152-153.

[338] De Meulemeester 1990, p. 132-134; De Meulemeester 1996, p. 374-375.

[339] Voir par exemple Verslype 1999, p. 154-155

[340] Les publications mentionnées ici sont en réalité des synthèses archéologiques et historiques, qui font presque systématiquement le point sur le niveau d'avancement des fouilles en cours. Inutile donc de reprendre les compte rendus de fouilles parus annuellement dans l'une ou l'autre revue, lesquels présentent le désavantage d'être plus succincts et n'ont pas toujours été rédigés avec le recul nécessaire.

[341] Voir par exemple la synthèse précoce, et aujourd'hui complètement obsolète de Van Werveke 1955, ainsi que le répertoire de Bauwens-Lesenne 1962.

[342] Laleman et Stoops 1996C, p. 121; Koch 1990; Verhulst 1990B, p. 293-297.

[343] Bauwens-Lesenne 1965.

[344] Voir à ce sujet le chapitre, bien qu'aujourd'hui vieilli: Stadsarcheologie: een haastkust tussen graafmachine en betonmolen?, dans Oost 1982, p. 9-13.

[345] Bauwens-Lesenne 1965, p. 14.

[346] Hasse 1907.

[347] C’est très clair sur le plan des vestiges gallo-romains découverts à Anvers, et édité dans Oost 1993, p. 14.