Critique des conditions de la durabilité: application aux indices de développement durable. (Bruno Kestemont)

 

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INTRODUCTION GENERALE

 

On assiste aujourd’hui, dans les sphères de décision ayant un impact planétaire, à une poussée néolibérale sans précédent, fort critiquée par le courant altermondialiste, les groupes de pression écologistes et les pays du tiers monde, mais peu entravée dans la pratique. Ces mouvements contestataires, dans leur diversité, n’ont en effet apparemment aucune alternative mobilisatrice sous la main. Il ne suffit en effet pas seulement de critiquer, mais aussi de donner de l’espoir, un projet de société. Le développement durable pourrait être la base de cette alternative, même si – ou parce que – ses contours sont assez flous.

 

La pensée néolibérale tend à réduire l’implication de l’Etat, donc des régulations, au strict minimum «pour favoriser une concurrence parfaite». Avec ou sans l’aide des Etats capitalistes, elle se répand dans les sphères de décision . Sur le plan économique, elle s’inspire de la théorie néoclassique .

 

Or, cette théorie repose, nous le verrons, sur des fondements fragiles. Le plus préoccupant est sans doute qu’elle ignore les «externalités » sociales et environnementales, spatiales et temporelles. Autrement dit, l’application orthodoxe et dogmatique de la théorie néoclassique peut mener:

 

Bref, la durabilité du développement n’est pas inscrite dans la théorie néoclassique .

 

Après avoir rapidement passé en revue quelques théories économiques alternatives, nous chercherons à identifier la meilleure méthode de travail possible pour contribuer à la recherche sur une problématique à cheval entre la connaissance scientifique et la négociation politique .

 

Nous verrons alors si la théorie de la réciprocité ne peut pas servir de point de départ vers une théorie établissant les liens entre les sphères sociales, économiques et environnementales. L’anthropologie montre des exemples d’intégration des différents aspects du développement durable dans de nombreuses cultures.

 

Le problème d’intégration de dimensions «incomparables» n’est pas une sinécure. Surtout s’il s’agit de trouver des indicateurs ou indices montrant le chemin du développement durable de manière simple et persuasive.

 

Ceci nous mènera naturellement à creuser la notion d’externalité: ce concept n’est-il pas générique à la problématique du développement durable ? Nous tenterons sans grande conviction de formuler une théorie générale des externalités et verrons quels enseignements on peut en tirer: le développement durable peut-il être mis en formules?

 

Quelques initiatives permettant la «prise en compte du reste du monde » seront présentées à titre d’exemple et comme source d’inspiration pour le futur. Ces exemples seront choisis dans le domaine de l’environnement, comme souvent dans ce travail de DEA en «gestion de l’environnement». L’objectif est cependant de dépasser la dualité économie -environnement. Une théorie générale n’est pas encore à l’ordre du jour, mais ces initiatives vont peut-être dans la bonne direction.

 

La construction d’indicateurs de développement durable joue un rôle de véhicule d’information , de catalyseur de débats et de construction culturelle d’un projet de société commun à l’ensemble de l’Humanité. Les indices, en particulier ceux qui opèrent des classements entre pays plus ou moins «modèles» sur la voie du développement durable, comme l’Empreinte écologique du WWF ou l’ESI (environmental sustainability index) du Forum économique mondial, ont en particulier une force de communication qui en font des catalyseurs médiatiques puissants. Une analyse critique de certains d’entre eux nous permettra de «sentir» en pratique à quels écueils supplémentaires on peut s’attendre. Un petit tableau tentera ensuite de dessiner les contours flous de critères devant permettre de tester la pertinence des différents indices pour le développement durable. Cette partie du travail servira en fait surtout à discuter vers quelle direction la recherche d’indices pourrait s’orienter, mais sans conclusion définitive.

 

 

OBJECTIFS

 

Objectif général

 

Ce mémoire est une contribution à la création d’outils destinés à aider les décideurs au sens large (y compris le grand public) à adopter un mode de développement qui soit durable au niveau local mais surtout au niveau global , càd qui ne mette pas en danger l’Humanité d’aujourd’hui, par exemple à l’autre bout de la planète, ni les générations futures .

 

Objectif spécifique

 

L'objectif est de mettre en place un cadre d’analyse permettant de dégager des alternatives aux indices socio-économiques ou environnementaux les plus populaires pour tenter d'établir une prise en compte plus complète de différentes composantes du développement durable , en particulier les externalités spatio-générationnelles et les points de vue culturels.

 

Beaucoup d’indices ou indicateurs représentent des agrégations ou proxies. Nous allons essayer d’expliciter les théories sous-jacentes de quelques indices de développement durable et analyser leur prise en compte des différentes externalités . Le terme «externalités» sera défini au sens le plus large, incluant toute influence, négative ou positive d’une évolution sur:

 

 

L’idée maîtresse est que tout modèle de développement , qu’il soit élaboré ou non, est limité par son cadre de référence et ses hypothèses , et ne permet pas d’observer ce qu’il ne prévoit pas et qu’on appellera externalités . Le terme désigne à l’origine tout impact d’une décision économique marchande sur d’autres sphères «sans valeurmarchande», par exemple la qualité de l’air. Mais une décision de protection du tigre, sur base écologique, engendrera également des «externalités» sur la sphère économique (par exemple, un coût d’opportunité des forêts protégées, non disponibles pour des activités marchandes). L’élaboration de normes de production pour un pays donné peut entraîner une délocalisation vers d’autres pays aux normes moins sévères (exemple: travail des enfants, normes environnementales), auquel cas la croissance peut se faire au détriment d’autres pays. La croissance d’un pays peut également se faire au prix d’une acculturation, de la perte de valeurs éthiques fondamentales.

 

Notre thèse est que beaucoup d’indicateurs sont biaisés par leur négligence des externalités (spatiales en particulier), ce qui peut renforcer artificiellement des conclusions opérationnelles prédéterminées et «non durables».

 

Les méthodes et indices de la littérature seront donc présélectionnés en vue d’un test futur suivant des points de vues spatiaux, culturels, philosophiques et contextuels contrastés. Soumis au «regard de l’autre», ils révéleront peut-être des forces et faiblesses en tant qu’outils soi-disant «scientifiques», «universels», ou «exportables».

 

Nous partirons du postulat qu’un bon modèle de développement durable , et les indicateurs qui en découlent, devraient résister au test d’universalité pour la portion où cette universalité est indispensable (le niveau global ). En effet, l’objectif supérieur étant universel («sauver la planète», «sauver l’humanité»), il doit exister, par delà l’inévitable diversité spatiale et temporelle, par delà le «pluriversalisme nécessairement relatif» (Latouche, 2001), des conditions communes, des règles de vie minimales applicables à tous, une sorte de «dix commandements» pour que l’humanité puisse se développer de manière équitable et soutenable. Les psychologues, les anthropologues et même les généticiens savent bien que des «structures élémentaires» unissent les humanités les plus diverses. Si par contre il faut choisir des indicateurs adaptés aux contextes[1] c’est qu’il n’existe pas de théorie suffisamment robuste du développement durable global. A partir de ces utopiques «indicateurs incontestables», construits sur le socle élémentaire commun, il devrait être possible de construire un indice synthétique, aussi parlant que l’Ecological footprint ou que l’Environmental sustainability index, mais moins facile à critiquer ou, au moins, lançant le débat dans d’autres directions.

 

Résultats attendus

 

A partir de l’explication de quelques modèles et indices courants, nous espérons construire in fine des critères d’évaluation des indices, ou une typologie permettant d’en situer les domaines de pertinence. La manière dont sont prises en compte les différentes formes d’externalités interviendra dans ces critères.

 

Après avoir mis en évidence les principales limites des cadres conceptuels courants du développement durable , nous tenterons de présenter des voies d’amélioration sur base des apports de la théorie de la réciprocité .

 

L’intégration des différentes théories sociales, économiques et écologiques à un modèle de développement durable sera à peine abordée dans le cadre restreint de ce mémoire.

 

Une rapide analyse des principaux indices devrait permettre de dresser un cadre conceptuel pour la détermination future d’indices de développement durable prenant en compte les horizons plus ou moins lointains: «reste du monde » sur le plan géographique, générationnel et thématique.

 

 

HYPOTHESES

 

Introduction

 

Le développement durable est à la croisée de la Science et du Politique:

 

Le caractère subjectif du développement durable impose une délimitation du sujet suivant des hypothèses et choix de valeurs propres à chacun. Les conclusions seront différentes suivant que, par exemple, on attache la plus haute valeur à l’égalité ou à la liberté individuelle, au respect de traditions ou à la performance etc[2].

 

On ne pourrait donc pas parler de développement durable sans poser un cadre de travail, une «vision du monde». Comme la science doit garder une image de neutralité, les enjeux de chacun s’expriment parfois dans la manière d’orienter les recherches ou de présenter les résultats.

 

Il faut donc trouver une méthode scientifique, en sciences du développement durable , qui permette d’éviter autant que possible l’écueil de la fausse objectivité.

 

Nous commencerons donc par poser nos hypothèses de travail. Pour rompre avec la tradition, et pour répondre à la préoccupation de nombreux auteurs issus des pays du Tiers Monde, abordons pour commencer le problème de notre propre référentiel culturel.

 

Hypothèses implicites

 

La culture du chercheur et les mobiles du commanditaire peuvent influencer les résultats. Exposer ces modèles implicites sur papier peut contribuer à éviter quelques pièges de fausses vérités.

 

La culture et l’histoire de vie de chacun déterminent une manière de voir le monde qui lui est propre.Il semble généralement admis que de grandes «cultures», voire «civilisations» transcendent la culture de chacun. Verhelst (1996) définit la culture comme «l’ensemble complexe des solutions qu’une société humaine hérite, adopte ou invente pour relever les défis de son environnement».

 

Nous partirons du postulat que chacun a non pas une mais des appartenances culturelles, sa culture personnelle se situant à la croisée de plusieurs cultures.

 

«Les contours des cultures sont flous, indéfinis, interpénétrés (…) et évoluent sans cesse de sorte qu’il est impossible de définir à quelle culture quelqu’un appartient (de Sardan, 1995, p.71).

 

Les linguistes ont montré que la langue était un support de culture [3]. Si la nature (le contexte de vie matérielle et social) intervient également dans la culture[4], Godelier (1984) a montré que la culture déterminait plus la manière d’appréhender la nature que l’inverse. Les replis identitaires auxquels on assiste en période de crise s’articulent souvent autour de religions ou de langues[5] (sinon de race ou de prétextes éthiques travestis).

 

La formation et l’expérience de vie façonnent également une partie importante de la culture de chacun. Les universitaires du monde entier trouvent facilement des terrains d’entente. De même, les paysans ou les chasseurs-cueilleurs, les chefs d’état ou les esclaves, les adultes ou les enfants, les hommes ou les femmes, les dominants ou les exclus ont, de manière transversale, des «zones de culture» semblables.

 

Par la culture de chacun, j’entends donc ici une perception particulière, à la croisée entre son genre, son appartenance linguistique, philosophique ou religieuse, sociale, son âge, son statut familial, son histoire personnelle, mais aussi ses conditions matérielles ou sa «classesociale». Les groupes culturels sont donc nécessairement diffus, et l’identification culturelle est en partie conjoncturelle et historique.

 

Tous ces groupes culturels diffus ont des codes et des représentations de «parties du monde» qui combinées, font la représentation du monde de chacun. Si l’on combine les 6800 langues dans le monde (UNESCO, 2001), les deux sexes, et toutes ces composantes, cela fait beaucoup de «groupes culturels» (parfois minuscules) très différents les uns des autres.

 

Les chercheurs n’y échappent pas. Ils font déjà partie, pour la plupart, des «scientifiques», ce qui biaise certainement leur réflexion[6].

 

D’autre part, l’appartenance des chercheurs et des développeurs au monde moderne (d’autant plus s’il s’agit de chercheurs occidentaux), biaise aussi certainement leur réflexion. Bajoit (1990) relève que les quatre principales théories sociologiques et politiques du développement sont toutes issues du modèle culturel des sociétés industrielles et, à ce titre, ethnocentristes.

 

Les mobiles du commanditaire

 

Le commanditaire est celui qui pose les questions auxquelles une recherche doit apporter des réponses. Mais «il est bien certain par ailleurs que la manière même de poser les questions interdit parfois la réponse ou fait que la réponse est interprétable autrement» (Godelier, 1977).

 

Comme nous avons vu que la science du développement durable ne peut pas prétendre à l’objectivité, il est légitime de se poser la question des mobiles du commanditaire de toute étude.

 

Les perceptions de l’environnement peuvent varier fortement, même en restant scientifiques, suivant les convictions des chercheurs (voir Zaccaï et al, 2003) ou des commanditaire s.

 

De même, toute étude sur le développement porte en elle des a priori sur la validité des indicateurs utilisés.

 

Ce travail est influencé par les conceptions de l’écologie économique (Faucheux,1995), avec une forte préoccupation tiers-mondiste.

 

Autant l’Environnementaliste sceptique (Lomborg, 2001) et beaucoup de conseillers économiques américains influents semblent croire aux vertus écologiques du seul marché , autant ce courant de pensée part du postulat que le développement durable ne peut se faire sans intervention d’autres formes de pouvoirs.

 

Si ce travail arrivait à refléter ce qu’un paysan «pauvre et déconnecté» (Sachs et al, 2002) aurait «commandité» en matière d’indicateurs de développement durable , une partie des objectifs serait atteint.

 

De même que dans un service public, on s’efforce d’être au service de chacun, on essayera dans cette recherche d’être au service de ce paysan moyen improbable de l’autre bout du monde, etdes «générations futures ». Vaste programme pour lequel nous nous joignons aux millions de gens séduits par le concept mobilisateur de «développement durable ».

 

Hypothèses explicites

 

En plus des hypothèses implicites ou inconscientes liées à la culture , la science , la manière de poser les questions ou les mobiles du commanditaire , le présent travail repose sur une série d’hypothèses sans lesquelles le raisonnement qui suit ne tiendrait plus. Au moins, si le lecteur ne croit vraiment pas à ces hypothèses, il ne perdra pas son temps à lire la suite[7]. A quelques exceptions près marquées d’un «*», nous ne démontrerons pas ces hypothèses qui ont été démontrées ou développées par ailleurs[8]. Contentons-nous pour l’instant d’une simple liste.

 

Hypothèses sur les théories du développement économique

 

 

Hypothèses philosophiques

 

Commençons par trois hypothèses apparemment contradictoires[9]:

 

 

Nos autres hypothèses philosophiques sont, dans le désordre:

 

 

Hypothèses sur les indicateurset la science :

 

 

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[1] adaptés à l’échelle, aux conditions du lieu, au public visé et à chaque niveau de soutenabilité (voir Zaccaï, 2002 p. 217),

[2] On partira du principe qu’il «n’y a pas de valeurs qui soient transcendantes à la pluralité des cultures pour la simple raison qu’une valeur n’existe comme telle que dans un contexte culturel donné» (Latouche, 2001).

[3] Les trois classes de substantifs (féminin/masculin/neutre) des langues européennes structurent inconsciemment le monde d’une autre manière que les 14 classes bantoues par exemple (Grégoire, 1989). Leenhardt (1947) s’appuie sur la langue pour décrire les fondements de la culture canaque qui se trahit tant par le choix du vocabulaire (ce que l’on nomme et ce que l’on ne distingue pas, les analogies) que de la grammaire (manières différentes d’exprimer notre «possessif» par exemple).

[4] Pour Marx , ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être; c’est inversement, leur être social qui détermine leur conscience (Politzer, 1936, p. 209). La notion de classes sociales en est à mon avis une vision réductrice.

[5] Le conflit iraquien suscite l’appel à la solidarité «arabe» ou «musulmane». L’alliance occidentale se trouve fracturée et des voix s’élèvent pour la remplacer par l’Anglosphère, qui constituerait une uniformité de civilisation, un «empire de liberté» (Ponnuru, 2003).

[6] Des théoriciens affirment que les étudiants étrangers aux USA sont des «immigrants de l’Empire puis des émigrants de l’Empire» véhiculant ses valeurs – en particulier, «les économistes viennent apprendre à croire au libre-échange , les juristes et les politologues viennent apprendre à croire à la démocratie libérale et à l’Etat de droit» (Kurth, 2003). Le comportement moderne , occidental, de la plupart des élites du Tiers Monde, voir des Nations-Unies, pourrait refléter ce point de vue. Comment dès lors ne pas considérer comme Feyerabend (1979, p.332) que la Science «n’est qu’une des nombreuses formes de pensées qui ont été développées par l’homme, mais pas forcément la meilleure?». Tout dépend bien entendu comment on définit le mot «science ». On l’entend ici de manière très normative, telle qu’elle est institutionnalisée dans les universités, et qui s’oppose aux disciplines dites «douces». Zimmerman (1971, p. 54) considère que «la science est inévitablement politique » et explique le scientisme américain par la «conviction que la science était bonne pour le bien-être à long terme du capitalisme américain, et ce qui était bon pour la capitalisme américain était bon pour l’humanité» tout en dénonçant le caractère parfois monstrueux de l’utilitarisme ou du dogmatisme scientifique (recherche de La Vérité, rationalisme froid)dans l’Occident du XXè siècle. On pourrait aussi définir la science comme «un ensemble de méthodes pour augmenter la réflexivité et qui peut prendre différentes formes selon les cultures» (Totté, 2003).

[7] Si les hypothèses néoclassiques avaient été rappelées à chaque démonstration, que de temps l’humanité aurait gagné!

[8] Pour l’essentiel, on se reportera aux publications de la mouvance «Ecological economics» ou la publication «L’Ecologiste», version française de «The Ecologist».

[9] Une manière de résoudre leur contradiction apparente serait de penser qu’il devrait y avoir un principe général de développement durable auquel tout le monde pourrait adhérer, du type: un développement qui ne mette pas en cause la survie de la collectivité la plus large (mondiale) et qui prend des formes très différentes selon les cultures et l’appréhension des limites temporelles et spatiales de cette «collectivité». Selon cette acceptation, les USA auraient par exemple une définition très restreinte liée à des «limites» exiguës: c’est avant tout le développement des USA et aujourd’hui. Le troisième principe dit, suivant cette conception, que le politique est primordial pour réguler les intérêts divergents et les rapports de force qui «orientent» les manières de penser ce développement (Totté, 2003).

[10] hypothèses partagées par Sen, 1999, et le courant utilitariste par exemple, mais que nous devrons vérifier

[11] par manque de temps , nous devrons analyser cette hypothèse intuitive dans un prochain travail. Il semble par exemple que les économistes surestiment les capacités de la science (Keyfitz, 1994), que les notions d’économie du commun des mortels restent limitées aux grands principes économiques développés par A. Smith en 1776, que la théorie évolutionniste, dépassée en anthropologie , influence encore beaucoup de décideurs, que des théories racistes du début du siècle continuent à alimenter des interprétations «sérieuses», que la théorie économique néoclassique elle-même est devenue la base d’une grand partie des politiques économiques alors que la nouvelle génération de chercheurs tend à la remettre en cause

[12] «Mais il faut à ce moment-là que le modèle explique tout ce qui a été collecté sur le terrain, tout. La description empirique devrait être expliquée, reproduite dans un modèle, et non pas appauvrie dans un modèle. Un modèle ne doit pas laisser tomber la moitié des faits.» (Godelier, 1977).

[13] Càd où un gradient de probabilité d’être sur un chemin de développement durable remplace la notion habituelle de «bon» ou «mauvais» (voir Faucheux et Noël, 1995, pp. 320-328). Ce point est lié à la non linéarité des préférences , à laquelle on a ajouté un processus d’auto-apprentissage, d’autosugestion (donc d’autocorrélation: ce que l’on pense aujourd’hui est lié à ce que l’on pensait hier, indépendamment de toute «vérité» objective).

[14] L’idée est inspirée de ce qui se passe en robotique , où d’après Floreano (2002), l'autoévolution (même simplement logicielle) est la clé de l'intelligence, la modélisation classique étant trop faible pour résoudre des problèmes complexes. La recherche d’une solution peut être déterministe (modélisation) ou au contraire aléatoire; le dernier cas est illustré par le comportement des fourmis. Or les indicateurs relèvent habituellement de la modélisation. Mais comme ils s’appliquent à un système complexe, une voie à creuser serait peut-être des formes de modélisation simplistes (règles de base) appliquée de manière aléatoire au système. Remarquons que la théorie néoclassique relève sans doute de cette dernière catégorie.